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Libye, Cote d'Ivoire : deux erreurs

Publié le 19 avril 2011 par Bernard Girard
Nicolas Sarkozy et David Cameron n’ont probablement jamais lu Carl Schmitt. Mais ceux de leurs conseillers qui sont passés par Sciences-Po ou la LSE ont certainement entendu de ce théoricien du droit allemand, figure politique majeure quoique controversée de la pensée politique du XXème siècle. S’ils l’ont lu il ont oublié ce passage d’un texte de 1932 (La notion de politique) qui aurait pu les inciter à mettre leur maitre en garde contre les aventures militaires les plus récentes : "Une guerre ne tire pas son sens du fait qu'elle est menée pour des idéaux ou pour des normes de droit, une guerre a un sens quand elle est dirigée contre un ennemi véritable." (p.91).
Qui peut dire que Khadafi ou Bago sont des “ennemis véritables” sans faire sourire? L’un et l’autre étaient reçus par ceux-là même qui envoient aujourd'hui des bombes sur leurs chars et leur troupes.
Sous couvert de droit de l’homme nous nous immisçons brutalement dans les affaires intérieures de pays étrangers. Nous pouvons réprouver les comportements de leurs dirigeants, éprouver de la sympathie pour leurs peuples, nous devons certainement les aider à titre individuel ou collectif, mais la communauté internationale n'a pas vocation à intervenir militairement dans des conflits qui restent, quoique l'on veuille, internes.
Nous n'aurions pas du le faire parce que c’est inefficace : il a fallu des mois pour se débarrasser de Bagbo et Khadafi résiste toujours aux assauts des avions de l’OTAN. Aussi détestables soient-ils ces dirigeants ont des soutiens locaux, ils tiennent leur régime, leur armée, ce qui n'était le cas ni de Ben Ali ni de Moubarak. Leur résistance nous entraîne dans des guerres civiles dont personne ne sort intact : ni eux (et pour cause), ni leurs adversaires (qui commettent aussi à l’occasion des massacres) ni, bien sûr, nous-mêmes.
Nous n'aurions pas du le faire parce que c'est contre-productif. Que vaut un régime imposé de l’extérieur par une armée étrangère? surtout lorsque celle-ci a les couleurs de l’ancien colonisateur. C’était aux Libyens et aux Ivoiriens de résoudre leur conflit politique, pas à nous de le faire à leur place.
On nous dira que nous ne pouvions laisser ces dictateurs massacrer leurs peuples. Mais au nom de quelle loi morale? De celle qui nous autorise aujourd’hui à interdire le passage de nos frontières à des réfugiés politiques tunisiens ou libyens auxquels l’Italie a donné des visas? Nos pays, et la France plus que d’autres, sont en ces matières d’une abominables hypocrisie.
Il fallait évidemment aider ces peuples. Mais il fallait le faire en finesse en gardant en mémoire que notre aide n’aurait de sens et d’utilité sur le long terme que si elle atteignait (et donc visait) deux objectif : éviter les massacres mais aussi donner au futur régime, que l’on espère démocratiques, une vraie légitimité populaire. Bien loin d’interdire les massacres, nos interventions les auront déplacés. Qui peut dire qu’elles auront in fine réduit le nombre de morts? Et elles n'aideront certainement pas à construire des régimes démocratiques solides.
On nous dira qu’il n’y avait pas d’autre solution? Est-ce vrai? Nous aurions pu protéger les victimes en leur donnant les moyens de fuir, en offrant aux pays limitrophes les ressources nécessaires pour les accueillir et les héberger, en ouvrant dès les premières heures des couloirs humanitaires et en mettant en place un véritable blocus sur la fourniture de munitions aux régimes en place. On aurait pu encore les aider en donnant aux rebelles des armes et en aidant à la création de contingents de volontaires susceptibles de les aider à mieux se battre.

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