Ne plus être considéré comme des cellules cancéreuses mais comme des personnes, c’est la demande de patients atteints de cancer.
Et si les derniers chiffres de la mortalité indiquent une baisse de 22 % chez l’homme et de 14 % chez la femme en vingt ans, selon un rapport de l’Institut national du cancer (INCa), le cancer reste la première cause de mortalité chez l’homme et la deuxième chez la femme.
“Si la science a beaucoup progressé ces dernières années, avec des traitements de plus en plus personnalisés, les médecins perdent de vue leurs patients“, dit Antoine Spire, journaliste, longtemps producteur à France Culture. Pendant trois ans, avec la philosophe Mano Siri, il a observé des cancéreux. Le professeur David Khayat, alors président de l’INCa, lui avait donné carte blanche, en 2005, en créant le département recherche en sciences humaines de l’INCa. “Le changement de présidence de l’INCa (Dominique Maraninchi en a pris la présidence en 2006) a compromis cet effort et réduit à presque rien ce département de sciences humaines”, regrette-t-il.
Au cours de ces centaines de consultations auxquelles il a assisté, Antoine Spire constate “la mort de la clinique, du soin que l’on donne au malade”. Bien souvent, le médecin est penché sur les résultats en biologie, en imagerie, mais ne prend pas en compte l’histoire de la personne, son travail, son rapport au conjoint, aux enfants. “J’ai constaté une grande lacune”, déplore-t-il. Beaucoup de patients ne se sentent pas écoutés, et nombreux sont ceux qui se tournent vers les médecines parallèles (acupuncture, homéopathie…).
Autre écueil, la France compte 0,7 oncologue pour 100 000 habitants, pointe Antoine Spire. “L’oncologie médicale est sinistrée et délaissée”, lançait, en 2009, le professeur Daniel Serin, cancérologue. Les suppressions de postes prévues par le gouvernement risquent de ne pas améliorer la situation.
Le moment de l’annonce d’un cancer est capital. Un tremblement de terre, une sidération, un traumatisme, un choc… pour le malade, et pour le médecin qui l’assène. Le malade a l’impression que sa vie bascule. Un dispositif d’annonce a certes été mis en place par les institutions, mais il y a encore beaucoup à faire, d’autant plus que la qualité de l’annonce joue sur le parcours thérapeutique.
“Il n’y a pas que les malades qui manifestent leur insatisfaction”, insiste Antoine Spire, mais aussi le praticien, “ce funeste messager”, en demande de formation. Pourtant, l’annonce n’est abordée ni au cours des études de médecine, ni dans la formation continue. “Je plaide pour une nouvelle impulsion du travail en sciences humaines articulé avec la médecine la plus performante. Les malades du cancer en ont urgemment besoin. Ils y ont droit”, ajoute Antoine Spire. C’est pour lui “une révolution dans la réflexion et la pratique des équipes de cancérologie invitées à retourner à la clinique, à l’art médical individualisé, sans rien perdre de ses avancées technologiques”.
C’est un appel qui est lancé pour une médecine à dimension humaine, dont le cancérologue serait le vecteur idéal. Les deux auteurs prônent avant tout une meilleure relation médecin-patient, pour le bénéfice des deux parties.
Sources : lemonde.fr, “Cancer : le malade est une personne” d’Antoine Spire et Mano Siri, édition Odile Jacob
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