Il baisse encore dans les sondages, surtout auprès des sympathisants frontistes. Du coup, voici qu'il sort sa deuxième salve, sociale celle-là. Elle est maigrichonne, une prime facultative de 1000 euros pour les salariés des entreprises qui « augmenteraient » leurs dividendes. Lundi, son ministre du budget Baroin a dévoilé son cadrage budgétaire pour 2012-2014, qu'il compte envoyer aux députés. Il fallait rassurer les marchés. On y découvrit peu de surprises... Malgré la persistance d'un chômage de masse, une envolée de l'inflation, et un instabilité économique inédite, les services du Monarque conservent leur feuille de route, et maintiennent leurs prévisions. Rigueur pour les fonctionnaires, la politique de l'emploi et les dépenses de santé.
Allumez les cierges !
Story-telling pour spéculateurs
Quand ils reviendront de vacances, le 2 mai prochain, les députés pourront se plonger dans le document de cadrage budgétaire des finances publiques concocté par Bercy. Le Programme de Stabilité, que Les Echos a publié lundi 18 avril, dévoile les grandes orientations qui prévaudront à l'élaboration du dernier budget public de Nicolas Sarkozy avant le scrutin de 2012.
Par rapport à sa précédente version, celle votée dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014 du 28 décembre 2010, il est difficile de trouver de grands changements. Quelques curseurs, une poignée de paramètres ont été ajustés. Pourtant, le contexte économique ne s'est pas amélioré: reprise molle, chômage massif et persistant, flambée inflationniste sur l'énergie et les produits et services de base, pessimisme des ménages, ...
La semaine dernière, Christine Lagarde voulait voir dans la prévision de l'OCDE en matière de croissance française en 2011 comme un satisfecit pour la politique conduite. En fait, la séquence était bien différente : Lagarde croyait à un 2,5% de croissance dès 2011. Assez rapidement, elle s'est rabattue sur 2,0%, rejoignant, pour une fois, les prévisions de l'OCDE. Et pour 2012, même optimisme initial : 2,5%, qu'elle ramène finalement à 2,25% dans la note de cadrage publiée ce lundi. L'OCDE est plus pessimiste. Même 2% n'est pas acquis selon l'institution. Pourquoi cette querelle de chiffres ? C'est tout simple. Les hypothèses de croissance conditionnent les prévisions de rentrée fiscale.
En matière de déficit budgétaire, l'administration Sarkozy réitère ses promesses: 5,7 % du PIB en 2011, 4,6 % du PIB en 2012, 3,0 % du PIB en 2013 et 2,0 % du PIB en 2014. Le gouvernement précise qu'il « est déterminé à poursuivre sa politique de consolidation des finances publiques afin de ramener le déficit public à 3% du PIB à l'horizon 2013, quelle que soit la conjoncture.»
Il n'a pas vraiment le choix. Agences de notation et marchés financiers surveillent de près ses faits et gestes budgétaires. Et les marges de manoeuvres sont étroites : la dette publique, qui n'était « que » de 59% en 2002 est grimpée à 81,7% du PIB en 2010. En 2014, malgré cette promesse de réduction du déficit budgétaire, elle n'atteindra toujours pas son niveau d'avant-crise : 84,6% en 2011, 86% en 2012, pour redescendre à peine à 84,1% en 2014.
Le prix du pétrole va baisser en Sarkoland !
Dans son document, le gouvernement détaille une « analyse de sensibilité ». Outre une stabilité de l'euro (fort), à 1,40 USD et une reprise de la croissance mondiale, il explique ainsi qu'il table sur une décrue assez rapide du prix du baril de pétrole, dès le 2ème trimestre 2011 et « un maintien à ce niveau jusqu'en 2012 ». On comprend mieux pourquoi Nicolas Sarkozy s'est autant énervé contre Christophe de Margery, le président de Total, mercredi. Ce dernier avait déclaré qu'il jugeait « inévitable » une montée à 2 euros le litre d'essence. devant quelques députés UMP, le Monarque avait menacé de « s'occuper » de lui, et jugé ces propos « indécents.» La baisse des prix pétroliers est en fait l'une des hypothèses budgétaires majeures (et contestables) du gouvernement ! Le gouvernement note ainsi qu'une hausse durable de 20$ du prix du baril ferait perdre 0,1 point de croissance en 2012, puis 0,2 points en 2013 et 2014..
Pour assoir sa crédibilité budgétaire, le gouvernement réaffirme trois principes dans son programme de stabilité :
- le non remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux « est réaffirmé par le budget triennal 2011-2013 » et est étendu aux opérateurs qui devront réduire leurs effectifs de 1,5% chaque année, soit la suppression d'environ 30 000 emplois (en équivalents temps plein, ETP); il chiffre un peu plus loin à 2,4 milliards d'euros l'économie « brute » générée par ces suppressions de postes en 5 ans. Il rappelle ensuite qu'il en a « reversé » quelque 1,4 milliard d'euros aux fonctionnaires... Il oublie que la Cour des Comptes a dévalué à une centaine de millions d'euros par an (soit 500 et quelques sur 5 ans), l'économie réelle...
- la baisse de 10 % des dépenses de fonctionnement de l’État et des opérateurs sur la période 2011-2013, dont 5 % dès 2011 ;
- une baisse de 10% des « dispositifs d’interventions » (i.e. subventions) 10 % à horizon 2013. Un audit « systématique » se poursuit.
Qui va payer la rigueur ? Nous nous posions déjà la question en novembre dernier. Rien n'a changé : « Le projet de loi de finances pour 2012 sera construit dans le respect de la LPFP 2011-2014 et du budget triennal 2011-2013 » rappelle le gouvernement. Le plus gros contributeur à l'effort de rigueur reste la mission « Travail et Emploi », qui regroupe les différentes dépenses publiques liées à l'emploi (soutien direct à l’emploi, allocation spécifique de solidarité, Pôle emploi, etc) : elle baissera de 12,52 milliards d'euros en 2011 à 9,32 milliards d'euros en 2013, soit plus de 3 milliards en 3 exercices. Le second contributeur sera la défense. Bizarrement, le coût des opérations extérieures actuelles (Libye puis Côte d'Ivoire) ne semble avoir eu aucun impact sur les dépenses prévues, soit 42 milliards en 2011, et 3,2 milliards de moins d'ici 2013.
Rigueur sociale
L'autre grande hypothèse des prévisions gouvernementales est la « maîtrise » des dépenses d'assurance sociale. Pire qu'en 2010.
Le gouvernement rappelle ces « efforts » qui rassureront les agences de notation, à défaut de satisfaire les assurés-citoyens. En 2011, note Bercy, les prestations sociales progresseraient « à un rythme moins élevé (+3,5 %) du fait du repli des prestations chômage, de la poursuite de l’effort de maîtrise des dépenses d’assurance maladie (...) et du début de la montée en charge de la réforme des retraites. » Sur la période 2011-2012, les services de Baroin espèrent même plafonner la progression des dépenses de santé à +2,8% par an, contre 3,3% en 2009, 3% en 2010 et 2,9% en 2011. Pour illustrer sa détermination, le gouvernement rappelle qu'il a pris, pour 2010, des « mesures de relèvement ciblées de la participation des assurés (hausse de 2€ du forfait journalier hospitalier à l’hôpital, diminution de 35% à 15% du taux de remboursement de médicaments à service médical rendu faible)». Pour 2011, il se félicite des 2,4 Md€ de mesures d’économie supplémentaires, dont 0,3 Md€ sur le secteur médico-social, 0,6 Md€ sur les seuls soins de ville, 0,2 Md€ sur les hôpitaux, et 0,3 Md€ grâce à la hausse de 5 points du ticket modérateur sur les dispositifs médicaux et à de nouveaux déremboursement de médicaments « à service médical rendu modéré.»
En quelques paragraphes au langage très savant, les services de François Baroin détaillent combien la réforme des retraites a été bénéfique pour le redressement des comptes publics. Et que lit-on ? Qu'elle a amélioré la « soutenabilité des finances publiques », par rapport à un scénario sans réforme, de 0,9 point de PIB. Plus précisément, 0,8 point entre 2010 et 2014, et seulement 0,1 point au titre d’une réduction du coût actualisé du vieillissement à partir de 2015. Vous avez bien lu : cette réforme des effets relativement immédiats et brefs. Contrairement à ses dires, Nicolas Sarkozy n'a pas résolu le problème de financement des retraites. Il a sauvé la face vis-à-vis des marchés financiers le temps de passer l'élection.
Mardi, on attendait aussi la confirmation de François Baroin que le point d'indice des salaires de la fonction publique serait gelé en 2012... comme en 2011. « On ne dispose toujours pas des marges de manoeuvre. L'impératif absolu reste la maîtrise des comptes » a commenté George Tron. Il a précisé : « « gel du point ne signifie pas gel des salaires.» Ah bon ? Bien sûr ! le Figaro évoque « le jeu naturel des avancements automatiques de carrière et des promotions accélérées - qui représente un coût annuel de 1,2 milliard d'euros pour l'Etat.»
Il y a 15 jours, ce secrétaire d'Etat posait fièrement devant les photographes après la signature d'un accord sur la précarité des agents contractuels. Cette fois-ci, il confie au Figaro qu'il ne peut y avoir de coup de pouce cette année... sauf « si, à l'approche de l'élection présidentielle, l'urgence politique fait bouger les lignes ». Il faut le lire pour le croire... « l'urgence politique fait bouger les lignes »... La campagne est bel et bien lancée...
Le Monarque, lui, visite les Ardennes, pour rencontrer quelques ouvriers dans une fonderie « protégée » de la crise par OSEO. Il parlera de la revalorisation du travail, un thème qui lui est cher. Un de ses proches s'est confié au Figaro : « Le président a fini par comprendre qu'il ne pouvait pas laisser son flanc gauche découvert » depuis le départ de Borloo de l'UMP. Dans le clan sarkozyen, cela ressemble à un début de panique. On imagine et on revendique tout ce que l'on peut pour prouver que l'on est social-national: gel des prix du gaz (après 20% d'augmentation en un an), prime pour dividende (pas encore voté), gel de l'immigration légale et professionnelle...
En 2010, l'évolution des salaires en France a sacrément ralenti en 2009 et en 2010. Ce n'est pas le constat de sombres gauchistes ou d'antisarkozystes primaires. C'est le Crédit agricole qui le dit... L'an dernier, le salaire mensuel brut de base a connu « sa plus lente évolution depuis dix ans » note « Contes publics », le blog spécialisé du Monde.
Mais de ça, le candidat Sarkozy ne voulait pas parler, ce mardi, dans les Ardennes.