Le Monde consacrait dernièrement son éditorial au mur de la dette américaine. La maîtrise des dépenses publiques et la résorption d’une dette de 14 400 milliards de dollars qui a franchi le seuil symbolique de 100 % du PIB tend à devenir le sujet central de la campagne électorale américaine de 2012. La France est proportionnellement mieux lotie. Passées toutefois les élections présidentielles et législatives, le nouvel chef de l’Etat trouvera en bonne position sur son bureau le dossier de la dette publique de 1600 Mds €.
Outre-Atlantique le débat autour de la dette a de quoi laisser perplexe un français. Les républicains prônent la réduction massive de 4 400 milliards de dollars en dix ans des dépenses sociales quand Barack Obama met la barre de l’effort à hauteur de 4 000 milliards de dollars en douze ans avec des priorités et une méthode très différentes préservant notamment les programmes de sécurité sociale.
En France, à défaut de pouvoir renvoyer la question aux calendes grecques, le gouvernement s’engage à revenir à la limite de 3% de déficit public en 2013 et ce, quelle que soit la conjoncture économique. Autant dire que l’héritage du prochain président de la république sera particulièrement lourd sans qu’il lui soit possible de faire jouer un droit d’inventaire.
La consolidation des finances publiques n’est pas une option c’est un impératif. Selon le programme de stabilité pour 2011-2014 qui doit être examiné au Parlement français puis par la Commission et les ministres européens des Finances, la dette publique continuerait de progresser pour atteindre 84,6% du PIB en 2011 et 86,0% en 2012 avant de refluer à 85,6% en 2013 et 84,1% en 2014, soit un niveau très éloigné de la barre des 60% fixée par le Pacte européen.
Les finances publiques françaises traversent une crise historique qu’un seul retour de la croissance ne suffira pas à résoudre. Loin d’être un simple problème conjoncturel, la dette publique est structurelle avec un déficit de l’ordre de 6 points de PIB. Le risque majeur c’est évidemment un relèvement des taux d’intérêt qui ferait grossir mécaniquement la dette dans un redoutable effet boule de neige.
Les élections de 2012 constituent à cet égard un véritable piège pour le camp qui les remportera. Il serait illusoire de penser que les français pourront échapper au remède de cheval que se sont vus infliger ses voisins européens, Grande-Bretagne en tête. Comme l’avait dit Hilary Clinton lors de la campagne de Barack Obama, “on fait la campagne en vers mais on gouverne en prose“.
Le problème n’est pas tant le niveau de la dépense publique particulièrement élevé dans l’hexagone mais son affectation à des dépenses superficielles d’embellissement et de confort (ronds-points, salle des fêtes, éclairage public…) au détriment d’investissements d’avenir (recherche, universités…). Le résultat est accablant. Un tiercé perdant constitué de dépenses sociales, d’un taux chômage et d’un déficit tous les trois très élevés.
A cette aune la réforme des collectivités locales menée par Nicolas Sarkozy constitue une réforme de surface qui ne s’attaque pas au financement des collectivités et à leur responsabilisation au regard des dotations reçues de l’Etat.
Georges Tron secrétaire d’Etat à la Fonction Publique soulignait dernièrement l’augmentation de 70 % de la masse salariale dans les collectivités. “De 1998 à 2008, les collectivités territoriales ont recruté 440 000 agents dont 120 000 seulement liés aux transferts de compétences. Il y a eu une envolée totale des emplois dans les collectivités locales”.
Pour autant, le point d‘achoppement entre la droite et la gauche pourrait porter à court terme sur la restructuration de la dette. En clair faire assumer une partie de l’ardoise par les banques. On notera à cet égard l’opposition très ferme de Christine Lagarde à une restructuration des dettes publiques grecque, irlandaise et portugaise. “Ça serait catastrophique parce que ça veut dire que ces pays seraient dans la plus grande difficulté pour revenir sur les marchés financiers” avance la ministre des finances.
Une solution de bon sens pourrait consister comme l’a proposé Jacques Attali et quelques autres à transférer l’essentiel de la dette des Etats vers l’Union Européenne dont les finances sont saines. Ce tour de passe-passe pourrait se réaliser via l’émission d’obligations européennes, les euro-bonds. Le principal reproche formulé à l’encontre de cette piste intellectuellement satisfaisante est qu’elle conduirait à un approfondissement de la construction européenne, ce dont peut d’Etats veulent aujourd’hui.
Vidéo : “C à dire” Mai 2010