Opinions sur Gauguin 8e livraison
M. Camille Lenonnier
Je n’ai pas eu l’occasion de suivre de près l’œuvre de Gauguin. J’ignore les points de départs et les courbes de l’évolution. On vit peu ses ouvrages en Belgique et peut-être étais-je éloigné de Paris quand j’aurais pu les y étudier.
Ce que je connais de lui m’a laissé l’impression d’une personnalité homogène, violente, rigide, s’exprimant avec des moyens d’art qui semblaient parfois un recommencement de la sensation de la vie chez un arbre vivant dans un temps indéterminé. Son art paraissait toutefois plutôt se rapporter à l’époque des grands faiseurs de calvaires bretons.
C’était-là, semble-t-il, sa lignée, s’il ne vaut pas mieux dire qu’il s’apparentait à tous les maîtres excessifs, à un Greco, à in Grunewald, à un Daumier, etc. Il avait la force, le mépris de la beauté courante, le don joyeux de l’outrance jusqu’à la caricature. Il ne dut pas ignorer le classique pour le bafouer si magnifiquement : il mit une science adroite et sûre à dénaturer la force humaine. Lui-même, à l’exemple des vieux tailleurs d’images, sculpta des sujets qui participent de l’icône, des poupées de kermesses et des figures nues à la proue des navires. Cela suffit-il à l’appeler un Créateur se réclamant d’un sens de primitivité ? Ce fut, en tout cas, un autochtone qui dégageait un aspect de la barbarie savoureuse et sut en maître cultiver ses différences avec l’art et les artistes de son temps.
M. Luce
N’ayant pas vu depuis longtemps d’œuvres de Gauguin, je ne puis satisfaire à votre demande ; le souvenir que j’en ai est trop vague pour me permettre de vous donner mon appréciation.
Veuillez, m’excuser, je vous prie, et agréer l'assurance de mes sentiments les plus distingués.
Charles Morice, Mercure de France, N° 167, novembre 1903. Eugène Carrière - Jean Dolent - P. Durio - Fagus - Gustave Geffroy - Charles Guérin - Antoine de La Rochefoucauld.