Nicolas Hulot à Sevran (Seine-saint-Denis), le 13 avril. (Jacky Naegelen / Reuters)
Il a parlé de ses «trente-cinq ans» à parcourir le monde, de la «destruction de la nature», du «fléau du chômage». Il a adressé un «message à la jeunesse», voulu «remettre de l’humain partout», rêvé d’une «écologie heureuse»... Mais voilà, Nicolas Hulot, mercredi dans son discours de Sevran, n’a «pas dit un mot du nucléaire». Et, le lendemain, sa rivale à la primaire Europe Ecologie-les Verts, Eva Joly, sort les griffes: «Il y a quand même une énorme ambiguïté sur le nucléaire. Il n’a rien dit [...] alors que c’est un combat écologique depuis vingt ans», reprochait-elle sur RMC.
Le nouveau candidat est-il désormais clair sur ce dossier nucléaire? Longtemps évasif, Hulot a certes dû clarifier -un peu- sa position, catastrophe de Fukushima oblige. Certains écologistes doutent de ce revirement, pointent le flou, le forcent à aller plus loin. Faux procès ou suspicion légitime?
«J’ai toujours été plus modéré que les antinucléaires primaires, explique-t-il à Terra Eco. J’ai eu du mal et j’ai encore du mal à me faire un avis sur comment on va se passer du nucléaire sans amplifier immédiatement les émissions de gaz à effet de serre et sans se mettre dans un péril énergétique.» Longtemps, le globe-trotter d’Ushuaïa est apparu sinon favorable au nucléaire, du moins pas tellement opposé. «Honnêtement, dans un pays stable comme la France, le nucléaire ne m’empêche pas de dormir», déclarait-il encore à la journaliste Bérengère Bonte, auteure de Sain Nicolas, en 2010.
Avant de s’y opposer vraiment, Hulot a louvoyé sur l’EPR. «Choisir de renoncer aux EPR, c’est risquer de substituer aux risques inhérents au nucléaire une augmentation d’émission de gaz à effets de serre», prévenait-il au Figaro en 2003. «Il est urgent d’attendre», considérait-il en novembre 2006, dans une interview au Monde. Mais «il ne faut pas fermer la porte à une éventuelle quatrième génération de centrales», poursuivait-il. En 2007, il dira que l’EPR n’est «pas une réponse aux enjeux d’aujourd’hui» et demandera un moratoire.
«J’ai eu du mal à me forger une religion»
Hulot assume ses hésitations, son «évolution». «C’est un sujet délicat, dans lequel j’ai eu personnellement du mal, je le reconnais, à me forger une religion», expliquait-il jeudi sur France Inter.
Il a longtemps suivi celle de Jean-Marc Jancovici, l’un des auteurs du Pacte écologique de 2007. Cet ingénieur, membre du comité de veille écologique de la Fondation Nicolas Hulot (FNH), est un fervent pro-nucléaire. Au nom de la lutte contre le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre, il voit dans l’atome une solution préférable aux centrales au gaz ou au charbon. Un argument du «moindre mal» repris sur le site de la Fondation, dans la FAQ (Foire aux questions), remise à jour récemment.
Côté FNH, dont Hulot démissionne, ce vendredi, de la présidence, un récent rapport parlementaire a pu accentuer la défiance. Il s’interrogeait sur des «liens troubles» avec ses entreprises «mécènes». Dont EDF, «une entreprise de pointe dans le secteur nucléaire. [...] Dès lors, comment interpréter la position très mesurée de Nicolas Hulot sur l’énergie nucléaire?» demande le rapport, sans noter «aucune faute». Furieux, les intéressés contestent et l’ex-plume de Hulot, Jean-Paul Besset explique alors à Libération.fr: «[Il] s’est très nettement prononcé contre l’EPR et dans le Pacte écologique de 2007, il explique que le nucléaire n’a pas d’avenir. Quand nous avons écrit le Pacte, ce n’est pas EDF qui nous a tenu la main!»
Mais à l’en croire, l’accident à Fukushima (Japon) aurait balayé ses réticences. Le 13 mars depuis l’Amazonie, Hulot suggère que le nucléaire doit «faire l’objet, a minima, d’un débat national, d’un référendum». Trois jours plus tard, il décroche à nouveau son téléphone pour durcir sa position: «Mon sentiment, je dirais même ma conviction, c’est qu’il faut sortir du nucléaire.» «De nombreux écologistes, dans le monde, ont eu cette question légitime sur le nucléaire et le changement climatique. Fukushima a remis les pendules à l’heure. Ce qui m’intéresse c’est que les gens puissent évoluer, et non les attaques comme « tu t’es trompé à une époque »», défend Christophe Rossignol, un proche.
«Revirement opportuniste et trompeur»
D’autres pourtant, jugent la prise de conscience tardive et légère. «C’est nous prendre pour des benêts. Il a eu besoin de Fukushima pour changer d’opinion? D’un point de vue tactique, il sait bien que s’il ne prend pas position sur le nucléaire, il n’aura pas le soutien d’EELV», s’énerve auprès de l’AFP Vincent Cheynet, du mensuel La Décroissance.
«Un revirement opportuniste et trompeur», tranche Stéphane Lhomme. L’ex-porte-parole du réseau Sortir du nucléaire, qui a annoncé sa candidature à la primaire, «contre» Hulot, critique ses formulations «ambiguës» sur le nucléaire: «il parle de sortie « à terme », d’ »objectif », signe qu’au fond il ne veut pas remettre en cause le nucléaire.» «Il est évident qu’on ne pourra pas fermer les centrales du jour au lendemain», lui rétorque un pro-Hulot.
Des personnalités écolos engagées de longue date dans la lutte antinucléaire saluent le «changement de cap». Ainsi, Pascal Husting, directeur de Greenpeace France: «Le fait que lui-même puisse expliquer pourquoi il a changé d’avis peut avoir des vertus pédagogiques.»
Tout en poussant Hulot à préciser sa ligne. Sans zigzag. François de Rugy: «j’ai rencontré Hulot en février, il n’était pas très clair, disait qu’il cherchait la formule, qu’on ne pouvait pas se passer du nucléaire dans le mix énergétique si on voulait lutter contre les gaz à effet de serre. Avec Fukushima, j’ai observé un virage antinucléaire et surprise, il n’en a rien dit [en annonçant sa candidature] alors qu’il était attendu sur le sujet. Hier sur France Inter, il a répondu longuement qu’il avait évolué, mais cela donne une position assez balancée.» Le député se défend de tout «procès d’intention»: «Je préfère les gens qui évoluent, mais il doit s’exprimer clairement.»
Autre pro-Joly, Yannick Jadot veut aussi «qu’il clarifie. Il s’affiche en faveur d’une sortie du nucléaire mais n’en définit pas les conditions. Nous disons qu’il faut que cela passe par l’arrêt des centrales de Pugey et Fessenheim, par l’arrêt de la construction de l’EPR de Flamanville, par le non-renouvellement de toutes les autres centrales.»
Nucléaire: Hulot peine à sortir du flou – Libération.