Le voilà, le meilleur groupe rock de l'histoire, celui par lequel tout a commencé. Pour moi, le rock est réellement né en 1967, au moment de la sortie du premier album du Velvet Underground (avec Nico). Pour d'autres, c'est plutôt le jour où il est devenu adulte, comme si l'enfance, la jeunesse avant (Elvis Presley et les Beatles entre autres) ne comptaient pas. Chacun a son avis sur la question, il n'empêche que la formation de Lou Reed a sans doute généré plus de petits que les Beatles même, car c'est tout le rayon "indépendant" de votre disquaire préféré qui vient de là ou presque. En quatre disques, tous indispensables, de 1967 à 1970, le Velvet définit les bases d'un rock lettré et poétique, mi-mélodique, mi-expérimental, mi-paisible, mi-torturé. Ce troisième album en est la version douce et apaisée, à l'instar de la mythique pochette où les membres sont tranquillement avachis sur un canapé. John Cale vient alors de partir après le terrifiant "White Light / White Heat", véritable boule de nerfs et de pus, manifeste de rock barré, primal, expulsé live en une seule prise.
Du coup, Lou Reed en profite pour prendre pleine possession du groupe et affirmer son talent de songwriter en distillant quelques unes de ses compositions les plus émouvantes ("Candy Says", "Pale Blue Eyes"), même si certaines sont chantées par Doug Yule, l'anecdotique remplaçant de l'irremplaçable gallois. Ce disque vient prouver que ce groupe était d'abord celui de Reed avant d'être celui de Warhol ou de Cale. Le chanteur sera prochainement à l'affiche de plusieurs festivals, l'été prochain (notamment aux Vieilles Charrues) où il balancera comme à son habitude depuis de nombreuses années, un gros rock calibré, fier à bras, tatoué, avec solos de guitares démonstratifs idoines. Le plus bel hommage à la musique du Velvet se jouera peut-être finalement à la Salle Pleyel où des jeunes pousses (enfin, jeunes, tout est relatif, puisqu'il s'agira de membres de Supergrass, Air et Radiohead) viendront revisiter à leur manière le répertoire romantique et vénéneux du groupe. Un univers dont Lou Reed semble avoir les pires difficultés à retrouver les clés. Aux dernières nouvelles, la batteuse Moe Tucker serait de son côté devenue une républicaine, pro-Bush, convaincue. Comme quoi, il ne fait pas toujours bon devenir adulte...