Ce week-end fut riches en réunions et en petits fours dont la facture est déjà en train de nous être adressée. D’un côté, le FMI et la Banque Mondiale se sont réunis pour arriver à la conclusion qu’en intervenant un peu plus, on arriverait à résoudre la crise, et de l’autre, le G20 a identifié quelques pays fauteurs de troubles. Étrangement, la France se trouve parmi eux.
En substance, on se souvient qu’il y a quelques mois, au précédent G20, les pays du groupe avaient décidé, moyennant des concessions très larges pour la Chine et des indicateurs vraiment pas contraignants, de s’ausculter les parties intimes du PIB, de la dette, des taux de changes et du commerce extérieur pour savoir si l’un d’entre eux n’aurait pas un petit cancer en métastase bien galopant.
Après analyse et petites papouilles diverses laissant à chacun le temps de se retourner, il s’avère donc que les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne, la France, le Royaume Uni, la Chine et l’Inde sont les sept pays identifiés par les ministres des Finances du G20 dont l’économie participe aux déséquilibres de la croissance mondiale.
Voilà qui est un peu embêtant : d’un côté, GastonChristine Lagarde nous explique que la criiiise est finie, que la croissance revient, que les finances des banques, des entreprises et, aussi, un peu, de l’état vont mieux, et là, la même Christine, entre un petit porto et deux cacahouètes sur le pouce, nous annonce un petit sourire en coin que la France est, finalement, dans les pays qui — passez moi l’expression — foutent la merde.
Devant ce constat si surprenant, les ministres du G20 ont pris la décision de prendre une décision au prochain G20, en octobre, ce qui ne mange pas de pain mais pas mal de champagne et de caviar ; on appliquera des « mesures correctrices » dont on sait déjà qu’elles seront solides et efficaces : l’historique de succès de nos ministres et de ce genre de G20 parle pour lui-même avec flamboyance.
Pendant ce temps-là, pendant que de vastes quantités de petits fours disparaissent dans la discrétion feutrée de réunions au sommet, une nouvelle brassée de chiffres tous plus rigolos les uns que les autres déboulent sur les téléscripteurs des agences journalistiques qui s’empressent ensuite de les retranscrire dans des petits entrefilets cryptiques en police 7 pour ne pas effrayer Madame Michu, qui, comme chacun sait, détermine par son comportement une bonne partie des politiques économiques de nos dirigeants.
On trouve ainsi un déficit commercial là où, zut de crotte, on aurait dû trouver un bénéfice.
On trouve aussi une inflation définitivement plus forte que prévue, là où, flûte de zut, on aurait dû trouver des chiffres plus agréables à l’œil. Il est vrai qu’à présent, l’inflation en Angleterre est supérieure à celle du Zimbabwe, pays connu pour avoir essayé avec succès un type un peu trop franc de Quantitative Easing. Mais là, si l’on regarde les chiffres de la zone euro, on tombe sur le même constat : l’inflation grimpe.
Pour rappel, l’inflation il y a un an s’établissait à 1.6%, elle vaut maintenant le double (3.2%) en Europe et 2.7% en zone euro.
On peut voir ça comme une bonne nouvelle : Madame Michu, qui elle aussi a constaté que son portefeuille est de plus en plus vide, n’est donc pas complètement alcoolique ; l’inflation qu’elle ressent de plein fouet (et qu’elle estime, avec son gros bon sens de ménagère, à bien plus de 2.5%) est enfin visible dans les petits calculs parcimonieux des institutions étatiques.
Je dis parcimonieux parce que lorsqu’on prend en compte absolument tous les prix, on aboutit à une inflation relativement modérée : les prix de certains biens chutant régulièrement (électronique, automobile par exemple), les fonctionnalités des produits augmentant pour un prix identique, et ces biens ayant eux-mêmes une étiquette déjà élevée, on aboutit, en moyenne, à une hausse modérée.
Cependant, force est constater que s’il on achète assez régulièrement du pain ou du lait, il est plus rare d’acheter un iPad, une voiture ou une maison. Autrement dit : Madame Michu va être toute contente d’acheter une télé plasma bien moins cher que prévu, mais ça ne lui arrivera qu’une fois par tranche de 10 ans, alors que tous les jours pendant cette période, elle aura l’impression de s’être faite avoir en négociant sa botte de radis.
Petit à petit se fait donc jour un nouveau monde où les produits qui nous entourent acquièrent une qualité assez stupéfiante, celle de prendre automatiquement de la « valeur » plus vite qu’on ne peut les consommer. Pour le moment, on est en mode « léger » et les Vénézuéliens ou les Zimbabwéens rigoleraient de nos petits frémissements.
Mais on sent déjà s’approcher le moment où, par précaution, ces institutions qui nous pipotent une inflation rikiki devront obliger les fabricants à inscrire sur leurs paquets une mention du style « produit élaboré dans un laboratoire contenant des traces d’arachides, de fruits à coque et d’inflation » histoire de les dégager de toute responsabilité en cas de choc anaphylactique ou financier.
Il faut se rendre à l’évidence : les masses considérables de pognons qui ont été créées ces derniers mois grâce à la petite Epson de Bernanke sont pour le moment sagement coincées dans les entrailles du système bancaire. Mais elles vont bien finir par descendre un jour.
D’ailleurs, au passage, je vous recommande cette petite vidéo, sur l’inflation, justement :
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En attendant, pour se remonter le moral, on pourra regarder quelques jolies courbes qui montent, comme, par exemple, celle des Credit Default Swap portugais, ou, plus à propos, ceux de l’Espagne. Ceux de l’or ou de l’argent, en USD, sont aussi revigorant.
Tout ceci est forcément bon signe, non ?