Par Marc Emile Baronheid - BSCNEWS.FR / Denis Cosnard est raide dingue de Patrick Modiano. Pourquoi pas ? C’est plus excitant que de répertorier les chapeaux d’Amélie Nothomb. Mais c’est aussi plus égarant. Un graal au lieu d’un pensum. En mesurait-il l’ampleur, le jour où il a créé Le réseau Modiano, site internet et véritable entreprise prométhéenne qui exige une mise à jour permanente ?
Paraphrasant Brel, il pourrait dire « Patrick, c’est mon Amérique à moi ». C’est aussi un mystère remontant à 1968, année où Modiano s’est inventé une date de naissance. Cosnard a démarré au quart de tour comme un lévrier de cynodrome pour aboutir à un essai au titre évocateur : « Dans la peau de Patrick Modiano ». Tout est dit ; tout reste à dire. Et Cosnard s’en acquitte avec une méticulosité qui laisse pantois. En même temps qu’il relève le défi de l’élucidation, il rappelle ou révèle des faits peu connus des inconditionnels de Modiano. Tel ce commentaire des débuts de Patrick M. au théâtre : « Ce Rastignac n’a qu’un pet de loup dans le ventre ». A notre époque de critique anesthésiée et de presse cornaquée, on imagine mal pareille virulence.
Cosnard analyse le sens du cinéma dans le parcours de ce fils de comédienne qui, jouissant de la liberté de choisir entre l’écrit et l’écran, a privilégié la littérature parce qu’elle promettait le filon inépuisable de la rêverie solitaire.
Modiano truqueur ? Pas vraiment. Disons plutôt arrangeur. Mais il a de qui tenir avec des parents doués pour embrumer la réalité. Lui se borne à la vaporiser. Et des questions se posent. Pourquoi Modiano a-t-il envoyé des lettres à Françoise Hardy ? Quelles ont été ses relations avec Myriam Anissimov, biographe de Romain Gary et donc attirée par les hommes énigmatiques ? Le ténébreux Patrick en homme couvert de femmes ?
A n’en pas douter, ce livre passionnera les inconditionnels de Modiano et attirera les sceptiques demeurés en périphérie de l’œuvre.
« La mélancolie du premier Modiano, comme son insolence et sa violence feutrée, sont effectivement, assez dans l’allure de Nimier ou du Laurent du Petit Canard ». C’est le commentaire d’Alain Cresciucci dans son évocation des Hussards, un autre mythe littéraire du XXe siècle français. N’hésitez pas à lire de quel bois il se chauffe dans son évocation de Nimier, Laurent, Blondin, Déon. En 1968, Antoine Blondin remit à Modiano le prix Roger Nimier pour La place de l’Etoile. Modiano en enchanteur désenchanté : qu’en pense Denis Cosnard ?
« Dans la peau de Modiano », Denis Cosnard, Fayard, 283 pages, 19 euros
« Les Désenchantés », Alain Cresciucci, Fayard, 299 pages, 20,90 euros