La France a peur. La phrase de Roger Gicquel n’a pas pris une ride. « Nous allons vers une élection épouvantable, qui va jouer à gauche sur la peur des Asiatiques et de la mondialisation, à droite sur celle de l’immigration arabe » résume le centriste Jean-Louis Bourlanges. Dans une France qui doute d’elle-même, la tentation du repli est aujourd’hui omniprésente.
Courage fuyons. Sortie de l’euro, protectionnisme, réduction drastique des flux migratoires, la douce France prend des allures de fort Chabrol. Le discours politique dominant ne vise plus à faire rêver mais bien à cauchemarder. Du débat ne jaillit plus la lumière mais un concours de bœufs charolais dans lequel la première prime reviendra à celui ou celle qui fera de la surenchère dans le registre des peurs. La candidature aux accents messianiques de Nicolas Hulot s’inscrit parfaitement dans ce registre.
Quel contraste avec les présidentielles de 2007 quand le pays cédait aux charmes et aux promesses d’un Nicolas Sarkozy qui affirmait qu’ « ensemble tout devient possible ». La crise est certes passée par là mais elle n’explique pas tout. L’agitation stérile du nouveau président de la république a fini par tuer les derniers espoirs en la capacité du politique à modifier le cours des choses. A défaut de croire dans des hommes politiques visionnaires et bâtisseurs, les Français se laissent tenter par ceux qui promettent le grand bond en arrière, le retour au charme désuet de la France d’avant.
L’Europe n’est plus ressentie comme un moyen de prolonger la France et de constituer un havre de paix mais comme un cancer qui la ronge et la vide de son sens. La mondialisation sur laquelle notre pays a construit sa richesse depuis le XVIIIe siècle devient soudainement synonyme d’appauvrissement et de mise en concurrence déloyale des peuples entre eux.
Dans les colonnes du Monde du 11 avril, François Chérèque appelait les partenaires sociaux à prendre leurs responsabilités : « On a beaucoup comparé la dernière récession à la crise de 1929, qui a été suivie par une montée des nationalismes. Nous assistons au même phénomène un peu partout en Europe. Nous avons un devoir de pédagogie. Au lieu d’aller sur le terrain de ce populisme, il nous faut répéter que le repli n’est pas une solution. Il faut donner des réponses aux problèmes économiques et sociaux ».
La neurasthénie collective menace. On ne peut certes sous-estimer les problèmes mais comment expliquer alors qu’à l’extérieur, notre pays soit aussi attractif ? « La France est le deuxième pays au monde à accueillir des immigrés derrière les Etats-Unis » s’effraye Laurent Wauquiez avant d’avancer une explication : « Notre système social étant le plus généreux en Europe, il faut faire attention à l’effet d’aspiration ».
Mieux vaut faire envie que pitié. Un pays qui se ferme est à court terme condamné à régresser. Le député UMP Hervé Mariton propose une position intermédiaire « Je ne suis pas pour une France du repli ni pour une France offerte. Je souhaite qu’on continue à travailler au réglage fin d’une immigration choisie ».
Le retournement de Nicolas Sarkozy sur l’immigration légale, dicté par des considérations électoralistes, illustre une politique à la godille dans laquelle on avance en rebondissant comme au billard d’une bande à l’autre.
La proposition de Claude Guéant de limiter l’immigration légale (économique, familiale et politique) marque un revirement dans la politique « d’immigration choisie » de Nicolas Sarkozy à moins qu’il ne s’agisse finalement qu’une étape supplémentaire dans un glissement idéologique qui vise à faire de l’étranger en général le bouc émissaire idéal.
Les experts économiques soulignent pourtant que les emplois occupés par ces immigrés (souvent peu ou très qualifiés) ne font pas concurrence à ceux des Français. De même, les démographes montrent que l’immigration légale est favorable à l’équilibre du système de protection sociale. Autant d’éléments qui ont amnené Christine Lagarde à déclarer, à l’inverse de son collègue du gouvernement, que l’immigration légale doit être protégée et sécurisée.
François Bayrou nous met toutefois en garde contre la puissance du chant des sirènes : « Une campagne électorale, ce n’est pas la raison contre la passion, car dans ce cas, la raison a perdu. »
C’est là où les projets alternatifs au sarkozysme doivent prendre garde. Gagner une présidentielle ce n’est pas compiler des mesures dans un projet, c’est allumer un feu. Un feu qui éclaire, qui rassure et qui protège. C’est opposer au repli la Movida , le mouvement.
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