Par Elsa Pépin
2011/04/07
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On attendait impatiemment le retour de Mélanie Vincelette depuis la parution de son dernier roman,Crimes horticoles, lauréat du Prix Anne-Hébert 2007. Le retour de la jeune écrivaine, qui est aussi à la tête des éditions du Marchand de feuilles depuis dix ans, nous transporte vers un territoire à la fois proche et loin de nous.Polyniese passe en effet sur l’île de Baffin, autour d’une mine d’or où cohabitent un chef cuisinier spécialisé dans la gastronomie nordique, une glaciologue militante altermondialiste, un «prince orpailleur», desstrip-teaseuseset un pilote d’avion inuit: «J’ai toujours été fascinée par l’Arctique, mais je n’ai jamais été sur l’île de Baffin. C’est mon frère qui y a travaillé dans une mine comme cuisinier. Il me racontait des choses inimaginables. J’ai toujours trouvé la Chine exotique, mais j’ai découvert que l’archipel polaire canadien était tout aussi fascinant. Avec Polynie, je voulais me ramener chez nous, mais créer quand même une confrontation avec l’altérité.»
Au pays des légendes
L’auteure s’est donc inspirée de son frère pour créer le personnage de Rosaire Nicolet, avocat taxidermiste retrouvé mort dans une chambre d’hôtel de la ville d’Iqaluit, une bourgade près du cercle polaire. Son frère Ambroise enquête sur le meurtre et tente de décrypter l’inscription sur le bras de Rosaire: «Les Chinois ont découvert l’Amérique». Campé dans une petite communauté vivant en vase clos dans des conditions extrêmes, Polynie revisite aussi l’histoire de certains explorateurs du XVIIe siècle, comme Jean Nicolet, qui aurait remis en cause la découverte de l’Amérique par Colomb. «Que ce soit vrai ou pas, je trouve ça intéressant. Tout le monde sait qu’il y a des gens d’Europe du Nord qui sont venus ici avant Colomb», raconte l’auteure, qui adore mettre son grain de fable dans le réel.
Le roman emprunte aux récits épiques avec ses fortes touches poétiques et ses personnages plus grands que nature. «J’emploie le ton de l’histoire de pêche, explique l’auteure. Ça se prête à la culture inuite, qui repose sur les légendes et les contes. Pour eux, tu n’es rien sans ton histoire. Et j’adore le ton épique. Quand j’ai commencé à écrire, j’allais vers la tendance minimaliste, en adepte de Duras et du silence. Maintenant, je vais vers une espèce de baroque.» MaisPolynieest aussi un roman d’amour et un roman policier: «Je me suis donné l’enquête policière comme filon de travail, parce que je suis une écrivaine d’atmosphère et que je pourrais décrire des menus et des décors sans arrêt. Ça donne un moteur au livre. C’est pourtant dans les histoires d’amour que je me sens la plus habile. On dirait que j’ai été faite pour raconter des scènes d’amour et pour montrer des personnages qui hésitent. J’aime beaucoup prendre la voix d’un homme timide.»
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