Je ne sais pas comment on faisait avant. Comment faisaient les cinégeeks pressés de connaître les films qui allaient être sélectionnés au Festival de Cannes, ceux qui auraient aimé découvrir le titre des films au moment où le directeur de la manifestation les annonçait. Devaient-ils attendre le lendemain que la liste paraisse dans la presse ? Ou bien un bulletin radio ? Je dis cela comme si c’était il y a cinquante ans, mais en fait il n’est nul besoin de remonter si loin, il y a quinze ans, la fébrilité du cinéphile curieux n’avait sûrement que ça à se mettre sous la dent s’il ne bossait pas dans la presse.
Aujourd’hui c’est différent. Non seulement il y a Internet, qui permet d’être informé encore plus vite, mais en plus avec Twitter, on découvre la liste des films sélectionnés au fur et à mesure que Thierry Frémaux l’annonce. Jeudi midi, mes yeux étaient donc sur la toile, guettant les twits des journalistes présents à la conférence de presse officialisant les films en sélection officielle au 64ème Festival de Cannes. Tous les ans c’est la même excitation et la même attente. Qui sera là ? Quel film mystérieux va sortir de nulle part ?
Cette semaine donc, jeudi 14 avril, les films en compétition pour la Palme d’Or 2011 ont été annoncés, tout comme ceux de la section « Un Certain Regard » et les films présents hors compétition et en séance spéciale. « La Quinzaine des Réalisateurs » et « La Semaine de la Critique », ce sera pour plus tard. Bien sûr, certains me diront « Mais pourquoi tu t’excites pour Cannes, t’iras même pas d’toute façon ! ». Je sais. Mais Cannes, ça ne se passe pas seulement sur la Croisette. Ca se passe dans la presse, sur Internet, et aussi dans les salles. Moi qui lit abondamment la presse quotidienne et surfe toute la journée, je sais d’avance que je ne pourrai échapper à vivre le festival au quotidien même sans y être. Le désir de films va naître au rythme du festival.
Et bien sûr, il y a les reprises. Un film sélectionné à Cannes passe souvent par la case parisienne rapidement. Un Certain Regard fait un détour par le Reflet Médicis, la Quinzaine des Réalisateurs par le Forum des Images, et la Semaine de la Critique par la Cinémathèque Française dès les jours suivant la fin du Festival. Quant aux films en compétition, il y en aura à coup sûr quelques uns qui feront un tour par Paris Cinéma début juillet. Cannes c’est une mine à envies, et c’est aussi le programme des films inattendus qui vont rythmer mon printemps. Alors les annonces cannoises, je les déguste.
Parlons d’envie, justement. Car parmi tous les films annoncés par Frémaux, ils sont nombreux à avoir fait naître l’envie de mon côté de l’ordinateur, pendant que les journalistes twittaient. La presse a énormément mis l’accent sur La conquète, le film de Xavier Durring sur Sarkozy (moi aussi je l’attends avec curiosité celui-là), ou sur Pirates des Caraïbes 4, la grosse machine hollywoodienne du printemps sélectionnée pour faire rayonner du glamour et de la star, mais dont très honnêtement je n’ai que faire (hors compétition, je suis plus excité par The Artist de Michel Hazanavicius…).
Je ne cacherai pas que la plupart des films annoncés par Frémaux, je ne les connais pas (encore). Et j’ai hâte d’en savoir plus sur ce premier film autrichien intitulé Michael, sur le nouveau film de Naomi Kawase (Hanezu no Tsuki), sur cet étrange film australien nommé Sleeping beauty ou sur cette comédie israélienne, Footnote, dont Frémaux semble fan. Mais je suis déjà sur les starting blocks de l’excitation cinéphile en sachant que The Tree of Life, le tant et longuement attendu film de Terrence Malick, sera bien en compétition. En sachant que Nicolas Winding Refn, le dément danois à qui l’on doit la trilogie Pusher et le grandiose Guerrier Silencieux, concourra lui aussi pour la Palme d’Or au milieu des Von Trier, Almodovar, Kaurismaki, Dardenne, Sorrentino et Moretti avec son film d’action Drive interprété par le toujours excellent Ryan Gosling. S’il y a bien une surprise majeure et enthousiasmante dans les 19 films en compétition, c’est la présence de Nicolas Winding Refn.
Quant à Un Certain Regard, il ressort de la sélection que la Corée du Sud, absente de la compétition, sera la nation majeure pour tenter de succéder à Hong Sang Soo qui avait décroché en 2010 le Prix pour Ha Ha Ha. Car ils ne seront pas moins de trois représentants du Pays du Matin Calme dans la section, dont… un nouveau Hong Sang Soo, déjà, un an après et alors qu’entre temps un autre film était passé par Venise en septembre. Le bonhomme tourne décidément aussi vite Brillante Mendoza, (au passage l’un des grands absents de la compétition pour la Palme…). Au côté de HSS, les deux autres coréens d’Un Certain Regard seront Na Hong Jin avec son Yellow Sea, trois ans après le passage cannois de son premier et immense film The Chaser, et Kim Ki-Duk, qui semblait s’être perdu ou retiré quelque peu des plateaux (on n’avait pas entendu parler de lui depuis Dream), qui revient enfin avec Arirang.
Il faudra aussi compter avec le singapourien Eric Khoo qui passe à l’animation avec Tatsumi, Nadine Labaki avec Et maintenant on va où ? et l’un des succès du dernier Festival de Sundance, l’américain Martha Marcy May Marlene dans lequel le saisissant John Hawkes de Winter’s Bone interprète le gourou d’une secte.Dans quelques jours, on découvrira quels films ont été retenus pour la Quinzaine des Réalisateurs et la Semaine de la critique. Mais avant même le début des festivités, j’ai déjà assez de films pour rêver cinéma pendant quelque temps.
Par contre... je ne sais toujours pas ce que je vais faire de Polisse, moi qui aime aller voir tous les films en compétition mais qui m’étais juré de boycotter Maïwenn pour la spectatrice irrespectueuse et insupportable qu’elle est ? Pffff…