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La critique "vins" (1) : le système de notation

Par Mauss

Le sujet, qui suscitera encore de nombreuses discussions, articles, commentaires, a déjà été évoqué sur ce blog à plusieurs reprises.

L'occasion des primeurs à Bordeaux le remet en quelque sorte sur le tapis, et dans un futur billet, nous traiterons des questions de conflits d'intérêts, le cas Galloni chez Parker ayant été le détonateur de pas mal d'observations sur cet autre sujet.

Mettons nous d'abord en harmonie sur quelques points fondamentaux.

a : valeur du système de points sur 100

Le GJE en premier s'est aligné dès sa création en 1996 sur le standard quasi imposé par Parker, de noter les vins sur 100 points. Notre but initial était de pouvoir comparer les notes GJE aux siennes, et surtout il fallait proposer à tous les membres du GJE venant de pays différents, un système simple, assez facile à comprendre, d'autant plus que nous avons le modèle d'analyse statistique de Bernard Burtschy pour corriger les éventuelles abérrations.

L'évolution de ce système a été inflationniste au point que maintenant, un vin qui n'a pas le minimum de 90/100 est relégué au chapitre seconds couteaux alors que certains amateurs, plus soucieux de plus-values éventuelles que de qualités intrinsèques, ne considèrent que les crus ayant au moins 95/100.

Soyons clair et précis en prenant l'exemple des notes primeurs où, histoire de ne pas trop se planter, la plupart des critiques mettent les vins dans une fourchette pouvant aller jusqu'à 5 points de différence, du style 92-97/100. 

Chercher l'erreur ? Elle est évidente !

- pour les vins dégustés à l'aveugle, il est notoire que si le dégustateur regoûte un autre jour et dans d'autres contextes le même vin, il y a de fortes chances que sa note varie : laquelle garder ?

- pour les vins non dégustés à l'aveugle, et quoiqu'on raconte sur les soucis réciproques d'objectivité, il est patent que l'étiquette dégustée a une influence réelle sur la note finale. Les châteaux imposant cette règle le savent très bien.

Ce serait un sacré foutoir que d'avoir ces échantillons à l'aveugle en compagnie d'autres crus ! Il y en a plus d'un (critique) qui devrait manger sa casquette. Non pas que les premiers ou super-seconds ne soient pas des beautés pures, mais enfin, à ce niveau d'évolution du vin, on connaît bien des crus qui présentent des caractéristiques de grande similitude.

Enfonçons le clou : si un critique X met 95 points à un vin dans des circonstances a+b, qui me garantit qu'il mettra un score équivalent, à ± 2 points près, un autre jour dans des circonstances c+d ? Ce que je veux dire est simple à comprendre : la note d'un vin est avant tout question de circonstances, d'environnement, et de bouteille tant il est vrai que d'une bouteille à l'autre (on l'a vu pour Léoville-Poyferré), on peut avoir des impressions passablement différentes.

Et si on ajoute à cela qu'un vin dégusté en série avec d'autres n'aura pas du tout la même présentation qu'à table avec des mets de qualité, on voit bien à quel point ce système de notes sur 100 est une aimable plaisanterie. Je me saborde un peu en disant cela, je le reconnais. Mais avec l'expérience, c'est une évidence de plus en plus… évidente !

b : C'est d'ailleurs pour cela que je souhaitais introduire au GJE un nouveau système de notation, plus simple et surtout immédiatement compréhensible pour l'amateur, à savoir :

- un vin à défaut majeur : on oublie

- trois niveaux de plaisirs (un peu, beaucoup, passionément)

- trois niveaux d'émotion (un peu, beaucoup, totalement)

Hervé Bizeul avait même donné une touche "bonnet" à cette hiérarchie qui peut séduire plus d'un amateur à la jeunesse ardente.

Mes zozos ne sont pas enthousiastes sur la chose, et probablement que la force de l'habitude joue un rôle important en la matière. On va donc continuer à noter sur 100 avec l'avantage - quand même - pour les sessions du GJE, c'est que ce système parkérien permet de visualiser, à un temps T, la place de crus plus modestes, moins connus mais qui méritent d'être comparés aux références de l'aoc ou du millésime ou de la région. Cela devient, en tout cas pour moi, l'objectif majeur des sessions du GJE bien plus que de dire que tel vin qui a eu 95 points est mieux que le second qui a eu 94 points. Mais je continuerai à essayer de faire accepter un système plus simple, plus "parlant".

Enfin, pour clore ce premier billet, je ne peux que répéter qu'il me paraît bien plus fondamental, de la part d'un critique, de me décrire le style d'un producteur, comment il voit ses vins, comment il souhaite les réaliser plutôt que de m'aligner des chiffres, sachant parfaitement qu'en fonction des millésimes, ce producteur cherchera toujours à garder son style.

Exemple :quelque soit le cru produit, quelque soit le millésime, je sais qu'Eric Rousseau privilégiera toujours la finesse et l'élégance là où d'autres forceront sur la puissance et l'extraction. Voilà les informations fondamentales que doit rechercher l'amateur.

Cette présentation des domaines plutôt que des vins aurait l'avantage non négligeable de ne pas imposer des guides annuels - un travail de titan - où des redites d'un an sur l'autre sont inévitables. 

Bon : tout cela, encore une fois, mérite discussion et ce n'est pas demain la veille qu'on verra disparaître ce système sur 100 points.

Histoire de mettre une image : à la Ciau del Tornavento d'où je reviens, avec la triste nouvelle qu'Alex Nember a dû cesser ses activités comme producteur dhuile d'olive, alors que ses crus étaient tout simplement des références absolues !

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