Scre4m de Wes Craven

Par Geouf

Résumé: Quinze ans après les terribles événements de Woodsboro, Sidney Prescott (Neve Campbell) est de retour dans sa ville natale pour la promotion de son livre, Out of the Darkness. Elle recroise la route de Gale (Courtney Cox) et Dewey (David Arquette), devenu shérif de la ville. Mais ce retour aux sources est rapidement entaché par de nouveaux meurtres d’adolescents particulièrement sauvages. Sidney ne tarde pas à réaliser qu’elle va devoir une fois de plus affronter ses peurs si elle veut protéger sa jeune cousine d’un meurtrier encore plus retors que précédemment…

Soyons honnête, l’attente fébrile générée par l’annonce de la mise en chantier d’un quatrième Scream ne parvenait pas tout à fait à contrebalancer la crainte de voir débouler un épisode bâtard de plus, à l’image du troisième film, d’autant que la carrière de Wes Craven est loin d’être sur la pente ascendante depuis quelques années. Difficile en effet de voir dans cette démarche autre chose qu’une énième manœuvre bassement commerciale destinée à surfer sur la mode des remakes et autres reboot en vogue à Hollywood actuellement. Mais le retour au scénario de Kevin Williamson et du casting original laissait tout de même planer l’ombre d’un espoir, espoir confirmé par une bande-annonce très prometteuse. Alors au final, espoir déçu ou réussite venant redorer le blason de la franchise ?

A l’image des autres épisodes de la saga, Scre4m débute sur une scène d’ouverture des plus réussies, savoureuses mise en abyme permettant de poser en quelques minutes les bases de cette nouvelle aventure. Au travers de ce prologue à la fois hilarant (le cameo d’Anna Paquin et Kristen Bell) et stressant, Craven et Williamson reviennent avec malice sur le culte généré par leur saga horrifique, tout en balançant quelques directs bien sentis à la relève (la saga Saw notamment en prend pour son grade). Et tout le reste du film sera à cette image, à la fois dans la droite lignée des épisodes précédents, tout en prenant en compte l’évolution du genre dans les années 2000.

Le scénario une fois de plus retors et malin de Williamson (difficile encore une fois de deviner l’identité du tueur, et surtout son mobile) est tout d’abord un vrai cadeau aux fans de la première heure. Il y a bien entendu le retour des héros originaux, Sidney, Dewey (qui a perdu son boitement au passage) et Gale, qu’on a un immense plaisir à retrouver, surtout que leurs interprètes retrouvent la qualité de jeu de leurs débuts (oublié le jeu hystérique de Courtney Cox dans le troisième épisode !). Mais surtout, Scre4m joue constamment avec la connaissance qu’ont les spectateurs du film original, le nouveau tueur s’ingéniant en effet à reproduire les meurtres de celui-ci avec un souci du détail assez malsain. On retrouve donc la plupart des grandes scènes du premier Scream, comme l’intrusion du petit ami par la fenêtre de la chambre, la caméra révélant le tueur derrière un des protagonistes, la confrontation finale dans la maison désertée, et même la fameuse scène d’introduction. Une démarche qui aurait pu vite se révéler fastidieuse et sans surprise, si elle ne s’inscrivait pas dans une volonté plus large d’analyser l’état actuel du genre horrifique. Car Scre4m est finalement une analyse assez juste et une attaque directe du phénomène des remakes et autres reboots pourrissant petit à petit le cinéma horrifique.

Du coup, si on rit toujours beaucoup des clins d’œil du film, ceux-ci prennent ici une tonalité un peu plus amère. On sent souvent poindre un brin de mélancolie dans la façon dont Craven et Williamson font avancer leur intrigue. Ils ont l’air de dire que la jeune génération a beau tenter de supplanter l’ancienne (en la remakant ou en inventant de nouveaux genre comme le « film pris sur le vif » ou le torture porn), elle n’y parviendra jamais vraiment tant qu’elle n’aura pas réussi à créer des personnages attachants à l’image des trois survivants de la première trilogie (encore une fois, la saga Saw et ses meurtres gorissimes et sans âmes est visée). Et quelle meilleure façon de le démontrer qu’en créant soi-même un film avec de bons personnages ? Ainsi, la nouvelle génération qui se confronte ici à l’ancienne n’a pas à rougir de la comparaison, Craven et Williamson prenant soin de créer des personnages mémorables, comme les deux geeks de service (Erik Knudsen et Rory Culkin), la cousine de Sidney (Emma Roberts), ou la meilleure amie de celle-ci (Hayden Panettiere).

Dans Scre4m, les meurtres sont certes beaucoup plus sanglants que dans les trois premiers épisodes (Craven fait même une concession à la mode de la tripaille), c’est avant tout la souffrance visible des victimes qui fait qu’on est choqué par ceux-ci (à cet égard, le meurtre d’un des personnages dans sa chambre à coucher est particulièrement dur et viscéral). Le scénario de Williamson propose enfin de nombreuses surprises, et on en vient même à douter d’une issue heureuse pour les « vieux de la vieille ». Exactement ce qu’annonçait Scream 3 sans réussir à le délivrer.

SPOILER

Mais à l’image du premier épisode, Scre4m est aussi un état des lieux de la jeunesse actuelle dont il dresse un portrait finalement assez peu flatteur. Car si les tueurs de Scream étaient présentés comme des jeunes laissés à eux-mêmes, sans réel encadrement, c’est ici la génération youtube et facebook qui est épinglée. Une génération pour qui il n’y a plus d’amis, mais seulement des fans, une génération réclamant son moment de gloire, quitte à assassiner ses proches pour obtenir satisfaction. Un constat terriblement sombre et pessimiste, mais finalement assez lucide.

FIN SPOILER

Le dernier bon point du film, c’est que Craven semble avoir retrouvé toutes ses capacités de mise en scène, certainement galvanisé par l’excellent script de Williamson. Les meurtres sont brutaux, assez originaux pour certains (l’assassinat de la tante ou d’un des flics), et les scènes à suspense sont nombreuses (la scène du parking, ou encore l’excellent final dans l’hôpital).

Bref, Scre4m est un vrai retour aux sources de la saga, un spectacle horrifique de qualité, intelligent et mené de main de maître par un Wes Craven pleinement de retour aux affaires. Et à l’heure où Romero semble être devenu gâteux, où Argento enchaîne les navets et où Carpenter revient timidement aux affaires, il est bon de voir qu’au moins un des réalisateurs de l’ancienne garde peut encore arriver à surprendre son monde.

Note : 8/10

USA, 2011
Réalisation : Wes Craven
Scénario : Kevin Williamson
Avec: Neve Campbell, Courtney Cox Arquette, David Arquette, Emma Roberts, Hayden Panettiere

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