Publié en 1948 Ma route de Bourgogne est le premier d’une série qui se poursuivra avec Ma route d’Aquitaine (1949), Ma route de Languedoc (1951) et Ma route de Provence (1954). Nous sommes dans les années d’après-guerre, la France est en reconstruction, Raymond Dumay enfourche sa pétrolette qu’il a surnommée « Pégazou », « Pour tout dire, il s’agissait d’un vélomoteur Terrot, natif de Dijon, qui ramait dans les côtes, mais galopait sur terrain plat » et il s’élance sur les routes et chemins de France, en l’occurrence ici, à travers la Bourgogne son pays natal.
Qu’on se comprenne bien, il ne s’agit pas d’un guide de voyage même si l’envie de faire son sac nous prend tout au long de cette lecture qui va son petit bonhomme de chemin. Nous sommes loin des voyages touristiques comme on les envisage de nos jours, le Raymond son but c’est de goûter les pinards du coin et rencontrer les écrivains de Bourgogne ou leur souvenir, qu’ils soient morts ou vivants quelle importance. Pèlerinage ludique d’un gourmet gourmand de nectars et de littérature, deux vices ou vertus qui se marient bien ensemble.
Le programme est alléchant, nous le suivons sans barguigner. L’été est chaud cette année là, « lundi 21 juillet 1947 marqua le début de la vague de chaleur qui pulvérisa tous les records établis depuis cent ans », un verre de blanc par-ci, un de rouge par-là, il faut que le gosier reste humide pour s’entretenir commodément avec les gens de rencontres. Chablis, Clos Vougeot, Gevrey-Chambertin, rythment l’escapade qui nous mène aussi bien à Saint-Sauveur où vécu un temps Colette qu’à Chitry dont Jules Renard fut un maire redouté et Sacy où naquit Restif de la Bretonne. Pérégrinations cultivées en compagnie d’un épicurien qui ponctue son livre de remarques piquantes, « Si le lecteur voulait bien dépenser pour acheter son livre la même intelligence que l’auteur le plus borné a mise à écrire le sien, la situation deviendrait claire ».
Après cette mise en bouche au cœur de la Bourgogne, je suis candidat pour continuer le voyage à travers l’Aquitaine, le Languedoc et la Provence en compagnie de Raymond Dumay, notre cicérone.
« Romain Rolland présente une seconde particularité curieuse : son exemplaire famille. Son adolescence fut illuminée par un trait cornélien. Brillant élève du collège de Clamecy, ses professeurs lui conseillaient de continuer sa carrière à Paris, mais sa sensibilité et sa santé délicate ne permettaient pas à sa mère de songer à le mettre en pension. Le père de Romain Rolland tenait une étude. Héritier de plusieurs générations de notaires, il aimait son métier et sa ville. Cependant, il n’hésita pas : pour cet enfant qui, brillant à Clamecy, pouvait se révéler terne à Paris, il vendit son étude et accepta un petit emploi dans une banque. Romain Rolland aimait à raconter ce trait. Il prétendait que s’il avait pu se laisser aller à l’indifférence et à la paresse, le souvenir du courage souriant de son père aurait suffi à lui rendre son énergie. »