Michault le Caron : Le pauvre vieux

Le pauvre vieux qui n'a pas de patience
Voit tous les jours en désespoir
Que c'est folie et non point sagesse ;
Il se plaint sans cesse que les jours qu'il vit
Ne pourvoient en rien à ses besoins ;
Mais il est trop tard pour penser à sa conduite :
Le temps passé ne se rattrape pas.

Au pauvre homme toujours pauvre je songe,
À ce pauvre saint, pauvre chapelle ;
Pauvre homme, ce n'est point mensonge,
La mort crie, la mort appelle,
Avec sa pioche, avec sa pelle :
Mais la mort fait la sourde oreille.
Il n'y a que du mal à attendre de la pauvreté.

Le visage toujours honteux et confus,
C'est celui de l'homme pauvre ; au fou il ressemble.
Il appelle la mort, mais la mort le refuse.
Il ne peut aujourd'hui l'approcher de plus près.
Alors arrive la Pauvreté qui l'accroche
Parmi ses membres à ses doigts :
Le pauvre vieux est soumis à ses droits.

C'est pour cela qu'il gémit sur le temps passé,
Et pleure les semaines, pleure les années
Qu'il a perdues, et se plaint
Que la mort ne vienne clore ses yeux pleurant ;
Il hait ses journées aux méchantes couleurs
Pendant lesquelles il n'a rien tiré du moulin ni du four :
Ainsi mange-t-on le pain qu'on a enfourné.

C'est à un hiver fort et froid
Que j'arrive; j'ai quitté toute joie,
Et j'en redoute les grands malheurs
Qui pourraient courir en mon logis,
Car j'habite dans un hôtel
Où de toutes parts la bise vente.
Où je n'ai rien, tout est mis en vente.

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