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Cours ECR et financement des écoles confessionnelles privées du Québec

Publié le 27 juin 2010 par Gregorykudish
À l'heure actuelle, le débat autour du financement des écoles privées confessionnelles est ancré dans une polémique opposant la religion à l'éducation nationale. L'enseignement religieux a, pendant très longtemps, occupé une place centrale dans les programmes scolaires. Le Québec sous Duplessis témoigne d'un tel enseignement. De nos jours, la mentalité a changé. Le Québec a vécu sa séparation entre l'Église et l'État sous la révolution tranquille, tout comme les Français ont connu la leur en 1905. La laïcisation de l'enseignement est la condition d'un enseignement libéral. Que nous le voulions ou non, l'enseignement religieux comporte un caractère dogmatique. Contrairement aux sciences, la religion s'appuie sur des croyances, et non sur des vérités objectives. Ce qui n'est pas une mauvaise chose en soi. Nous avons l'art pour ne pas mourir de la vérité, disait Nietzsche. À sa suite, je dis que la religion est une forme d'art. Art dans la mesure où toute croyance s'appuie sur une création de l'esprit, création qui ne repose pas uniquement sur des données objectives. La problème réside au coeur de cette contradiction. Si la religion n'est pas une mauvaise chose en soi, pourquoi son enseignement peut-il sembler périlleux? Le mot éducation provient du latin educatio, qui signifie formation de l'esprit. Aucun homme ne pouvant survivre par ses instincts, il doit conquérir, par la culture, ce que la nature ne peut lui procurer. En somme, l'éducation permet à l'homme d'être libre. Dire de la liberté qu'elle n'est qu'une faculté permettant à l'homme de ne pas être empêché de faire ce qu'il veut, c'est là adopter un regard un peu trop extérieur de la liberté. Dans l'Antiquité grecque, les stoïciens ont pensé la liberté comme faculté indépendante de toute pression extérieure. Pour eux, l'homme libre est celui qui réussit à se détacher de tout ce qui n'est pas en son pouvoir, et qui atteint la sérénité par la maîtrise de ses passions. Ainsi, la liberté signifie l'indépendance intérieure du sujet et la capacité morale à se déterminer en suivant les seuls conseils de sa raison. De là découle que la libre-pensée est l'affirmation de l'autonomie de la raison. Et c'est cette libre-pensée que l'éducation cherche à inculquer aux gens. À l'école, toute matière est imposée. Sinon, les enfants auraient le choix de ne pas se présenter aux cours. Le français, les mathématiques, et les sciences naturelles ont raison d'être imposés aux enfants; ces disciplines véhiculent des connaissances appuyées sur des vérités. Et toute vérité doit être imposée dans l'éducation, puisque la connaissance d'une vérité est un pas de plus vers une liberté individuelle. La religion, basée sur des croyances, véhicule quant à elle des réalités ne faisant pas toujours l'unanimité. Et ce, parce qu'elles ne sont pas vérifiables. Ou du moins, parce qu'il s'agit davantage de réalités de l'âme que de réalités objectives. La foi concerne le salut de l'âme, indispensable à une vie saine et une paix d'esprit, alors que la recherche de la vérité concerne la raison. Alors, est-ce un préjudice infligé aux enfants que de vouloir leur enseigner la foi au lieu de la vérité? La question ne se pose pas dans le cadre de notre délibération visant à donner ou non raison aux écoles confessionnelles. Il faut plutôt se demander si l'enseignement de la foi et des sciences sont compatibles. Au Québec, les écoles confessionnelles chrétiennes n'ont pas, jusqu'à tout récemment, posé grand problème. En effet, la population québécoise étant majoritairement chrétienne, l'enseignement de la foi chrétienne ne contredit pas les croyances de la population.
Cours d'éthique et de culture religieuse : pour un enseignement de la religion sans imposition de foi quelconque
Il n'est pas étonnant que le Ministère de l'éducation, du loisir et du sport (MELS) ait choisi pour sous-titre du cours d'ECR la phrase Pour vivre ensemble dans le Québec d'aujourd'hui. Notre société de plus en plus pluraliste sur le plan des croyances nous amène à repenser l'enseignement religieux. Lorsque des enfants provenant de différents milieux culturels se mettent à occuper nos bancs d'école, les écoles confessionnelles catholiques posent problème. En effet, celles-ci transmettent des croyances propres à une communauté, et non à l'ensemble de la population. C'est la raison pour laquelle les écoles publiques du Québec sont, par la laïcité, exemptées de tout enseignement de la foi catholique. Faut-il pour autant éradiquer tout enseignement religieux des programmes scolaires? Non. Car la religion, au sens large, rassemble l'étude de diverses croyances, et donc de plusieurs cultures. L'enseignement de la religion permet d'élargir nos connaissances du phénomène humain. C'est pourquoi le MELS a introduit le cours d'ECR. En accord avec les valeurs de la vie collective au sein d'une société de plus en plus pluraliste, les objectifs du volet religion de ce cours sont énoncés ainsi : 
Votre enfant apprend progressivement à :
  • connaître la place importante du catholicisme et du protestantisme dans l'héritage religieux du Québec;
  • découvrir la contribution du judaïsme et des spiritualités des peuples autochtones à cet héritage religieux;
  • connaître des éléments d'autres traditions religieuses apparues récemment dans la société québécoise.
 Ce programme, empreint de relativisme culturel, vise à inculquer, autant chez les Québécois catholiques que chez les autres groupes culturels, une connaissance globale de cultures variées, au plan du domaine religieux. Cet enseignement garantit également la liberté de pensée des enfants, puisqu'il ne comporte aucun caractère dogmatique, autant qu'il ne prend pas position sur aucune religion du programme. Conforme à un enseignement laïque, le programme d'ECR respecte les libertés individuelles.
Mais les écoles confessionnelles rejettent le relativisme culturel
C'est le cas du Collège Loyola, dont il est question ces jours-ci. École catholique, ce collège a vu le juge Dugré lui accorder le droit de donner le cours d'ECR sous une approche catholique. Cette décision du juge sème la controverse dans la province. En effet, le collège privé Loyola, catholique, devrait avoir le droit d'offrir un enseignement catholique. Cependant, bien que privé, le collège demeure financé en partie par l'État. Cette pratique fait en sorte que le collège Loyola se trouve dans la nécessité d'offrir le cours d'ECR. Pas étonnant que le collège décide d'adapter ce cours selon sa philosophie. Mais cela pose un problème d'équivalence. Les diplômés des écoles privées confessionnelles du Québec n'auront donc pas, si la cour suprême ne revient pas sur la décision du juge Dugré, suivi le même enseignement d'ECR que leurs camarades des écoles publiques. Si le gouvernement du Québec tient absolument à garder le cours d'ECR, je pense dès lors qu'il ne devrait pas en faire une condition d'obtention du diplôme des études secondaires. Dans l'éventualité où la cour suprême revenait sur la décision du juge Dugré, le Collège Loyola se retrouverait dans la nécessité de se plier au programme du MELS pour l'enseignement d'ECR. Cela ne devrait pas l'empêcher de dispenser un enseignement religieux de foi catholique, en autant qu'il se garde d'en faire une condition de réussite des études secondaires.
 L'enjeu du financement des écoles confessionnelles privées
Nous avons, au début de cette discussion, posé la question à savoir si l'enseignement de la foi et des sciences sont compatibles. Au nom du respect de la liberté de religion, les institutions scolaires privées sont en droit d'enseigner la foi à leurs élèves. C'est davantage le financement de ces écoles confessionnelles par le gouvernement qui suscite la controverse. En Ontario, les écoles confessionnelles privées ne sont pas subventionnées par le gouvernement. Une telle politique ne ferait pas de mal au Québec non plus. Car l'État québécois, laïque, se doit de rester neutre sur le plan des valeurs religieuses. Tandis que le financement d'écoles confessionnelles privées sous-entend, implicitement, une prise de position face aux valeurs religieuses. Qui plus est, on est à même de se demander quelle sera la position du gouvernement du Québec quand des groupes culturels, autres que catholiques, voudront voir leurs écoles subventionnées par l'État. Le Québec aura-t-il assez de fonds pour financer l'ensemble des écoles privées de confessions distinctes, sans pour autant s'enliser dans de la discrimination budgétaire? J'en doute. Mais si une chose est certaine, c'est que l'univers du catholicisme est loin d'être entièrement disparu de la sphère politique de la province, comme en témoigne le crucifix placé au-dessus du siège du président à l'assemblée nationale du Québec.

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