Le trafic de décherts, ça existe. Des entreprises française, plutôt que de payer le coût du retraitement préfèrent envoyer illégalement leurs détritus en Asie ou en Afrique.
Détecteurs d’irradiations, contaminamètres, masques à oxygène… Il est 9h, jeudi 14 avril, rue de Saint-Nazaire, au port autonome de Strasbourg. Envoyée en éclaireur, la Cellule nationale nucléaire radiologique bactériologique et chimique inspecte minutieusement la coque de cinq conteneurs désignés par la douane et la gendarmerie, en raison de documents d’enregistrement suspects. «On part du principe qu’il y a toujours une part de risques», comprendre d’émanations de gaz toxique, pointe le capitaine Didier, responsable de la cellule. Inspection extérieure terminée, rien à signaler. Ordre est donné d’ouvrir les caissons. Même précautions d’usages.
Pneus usagés, pare-chocs, pistons, ustensiles…
Au milieu de la quarantaine de représentants des forces de l’ordre, un officier lâche: «C’est bon! On a visé juste.» Sur les cinq conteneurs, l’un présente un problème de papiers, deux autres servent à l’exportation de déchets, une pratique illicite contre laquelle l’opération d’hier a été montée. «D’après la déclaration, celui-ci devrait contenir des effets personnels à destination du Cameroun. Il est plein de pneus usagés», commente Yves Gusinsky de l’Office central de lutte aux atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP). Devant une seconde caisse dégueulant de pare-chocs, pistons et autres ustensiles, l’enquêteur peste. «Ils n’ont pas le droit de mettre ça en vrac. Rien n’est trié, conditionné. Ce ne sont pas des pièces revalorisées destinées à la vente, mais bien des déchets.» Leur direction: le Maroc.
«Le coût de retraitement des déchets, qui est obligatoire, est onéreux. De plus en plus de sociétés tentent donc de les envoyer en Asie et en Afrique où ils sont enterrés, laissés à l’air libre ou transformés, ce qui pose des problèmes de sécurité et de santé», déplore le colonel Jean-Louis Monteil de l’OCLAESP. Les infractions seraient d’autant plus fréquentes que les sanctions encourues (2 ans de prison et 75 000 € d’amende) sont minimes par rapport aux bénéfices. «Il existe donc un véritable trafic des déchets à l’export», confirme le colonel Monteil.