Si la pierre est immortelle comparativement à l’être humain qui bâtit des cités. Si les cités survivent à leur créateur ou plus communément à ses habitants. Ces pierres éternelles ne seront jamais plus les mêmes, ces cités millénaires ne ressembleront jamais plus à ce qu’elles furent jadis, à l’époque de ces mortels présomptueux qui bâtissaient ou vivaient en leurs murs. L’inanimé jalouse au vivant ce que ce dernier traine comme une malédiction, car la mort est la conséquence immédiate de la vie, le temps qui s’écoule un moteur de la vie. Je vous le dis, l’immortalité sans la vie est beaucoup moins enviable qu’une vie fugace dans l’intensité du mouvement, des sensations et des émotions…
Et pourtant, à l’échelle de l’Univers, si l’on ramène son histoire gigantesque à une année dans notre définition moderne, l’expérience humaine se réduit à la dernière heure du dernier jour de l’année, c’est à dire à 23h le 31 décembre. Et si l’on considère depuis la chute de l’Empire Romain, cela réduit encore considérablement la durée à la dernière minute de cette dernière heure. Alors, que pensez-vous que représentent nos existences dans ce calendrier titanesque ? Un souffle pour l’Univers… au pire un éternuement, une gène passagère. Alors que les pierres qui nous entourent ont vu tant de ces instants avares pour nous, mais, rappelez-vous le bien, sans les vivre. Et, cette subtile différence fait justement toute la différence. C’est comme vivre avant l’invention du feu, dans une grotte froide, obscure et remplie de dangers. Mais, c’est encore bien plus que cela. Immobile, inanimé, froid, sans vie, cette pierre rêverrait, si elle le pouvait, de se transformer en simple papillon. Hélas, dans son immortalité, il ne lui manque que la vie et c’est beaucoup tout autant que cette durée qui nous manque terriblement au soir de notre vie. Le problème pour l’homme c’est qu’il à conscience grâce à son statut d’être vivant et sait l’analyser pour le meilleur comme pour le pire grâce à son statut d’être intelligent.
Sociologiquement le génie humain est seul dans un paradis terrestre. Il scrute le ciel à la recherche d’un indice d’une autre intelligence, à la hauteur de la sienne. Ses efforts n’ont pas eu de grands succès pour l’instant poussant ses meilleurs esprits scientifiques à résoudre un par un les secrets de l’Univers. Nous nous sentons bien isolés et dépourvus de ces réponses existentielles : D’ou venons-nous ? Que devient nos personnae après la mort ? Quel but poursuivons-nous et pourquoi ? Pourquoi sommes-nous les seuls êtres sapiens dans cette région de l’Univers ? Personne sinon nous-mêmes pour partager ces interrogations. L’homme est le génie de notre planète, elle-même apparemment un joyau unique. Mais bien sûr cette vision antropophagique volera en éclat dès que E.T. nous rendra visite ou que l’on dénichera sa maison. En attendant, notre sociologie est inexistente avec des pairs et l’on s’efforce de dénigrer les êtres inférieurs qui sont nos seuls amis. Que nous restera-t-il lorsque nous aurons rendu invivable notre planète et ses locataires ?
Je commence la lecture de « Mozart, sociologie d’un génie » de Nobert Elias qui décrit tout ce que l’humanité n’a pas Su exploiter, dans le bon sens du terme, à cause des turpitudes que les hommes aiment se faire entre eux mais aussi à eux-mêmes. Le don de Mozart a été gâché dans un conflit entre un aristocratie agonisante, dégeulant un trop plein d’avantages durant des longs siècles de l’histoire humaine, et une bourgeoisie qui voulait que son heure arrive enfin. Mozart a été pris dans ce conflit qui n’était pas tout à fait le sien alors qu’il souffrait suffisamment de ses propres tourments. La pauvreté affective est souvent la conséquence d’une précocité mal gérée. On pourrait même dire que Mozart était le seul de son espèce et que le manque de pairs ou de pères lui a été fatal. Nous reviendrons sur tout cela dans de prochaines notes suscitées par ce superbe livre qui bouscule le cliché et le convenu.
15 avril 2011
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