Réplique à Jean-François Lisée : 90% des Américains travaillent plus et sont plus riches que 90% des Québécois
Dans un billet du 27 janvier 2011, Jean-François Lisée soutenait que 90%, voire 99%, des Québécois gagnent davantage que les Américains situés dans la même tranche de revenu [1]. À cause de la répartition plus inégale du revenu aux États-Unis, seule une faible proportion des Québécois seraient moins riches que les Américains.
Le chômage qui rend riche
En consultant les données quant à la proportion de travailleurs québécois qui travaillent à temps partiel alors qu’ils souhaiteraient plutôt travailler à temps plein, soit 25% d’entre eux, on constate que plusieurs n’ont pas vraiment choisi de favoriser leur temps de loisir. De même, les travailleurs aux États-Unis pourraient choisir de travailler moins mais, puisqu’ils ne font pas ce choix, qui serions-nous pour juger qu’ils prennent une mauvaise décision ? Dans les comparaisons entre les revenus des Québécois et des Américains, l’on doit tenir compte de ce que chacun gagne réellement. Et dans ce cas, 90% des Américains gagnent au moins 1,4% de plus que les Québécois, selon la méthode de calcul du taux de change utilisée.
Des hypothèses comme un château de cartes
En effet, les résultats obtenus par le professeur Pierre Fortin et présentés par Jean-François Lisée reposent sur de nombreuses hypothèses. En changeant l’une d’entre elles, par exemple la méthode de calcul du taux de change, le résultat oscille entre 1,4% et 15,1% de revenus de plus pour les Américains que pour les Québécois [2]. Lequel de ces résultats est le bon ? Cela dépend de l’hypothèse que l’on choisit. Et cela n’est qu’un exemple parmi l’ensemble des hypothèses retenues dans ce calcul.
Doit-on vraiment ignorer les citoyens les plus riches ?
Retirer le 10% d’individus les plus riches d’une société à des fins de comparaison repose sur la présomption fausse que ce 10% « captent une portion absolument disproportionnée de la richesse produite », dans les mots de M. Lisée. Cette conception laisse croire que la richesse produite tombe du ciel comme une manne miraculeuse et que les riches l’accaparent au détriment de tous les autres. Selon cette logique, il faudrait expulser sur le champ Guy Laliberté et Jean Coutu du Québec, comme s’ils « captaient » la richesse des autres, au lieu de reconnaître qu’ils génèrent eux-mêmes une activité économique précieuse. Les Québécois bénéficient tous de la présence d’entrepreneurs et de créateurs de richesse car ceux-ci contribuent fortement au bien-être des autres membres de la société, que ce soit par des dons de bienfaisance ou par leur contribution fiscale. En effet, les Québécois gagnant plus de $100.000 par année (3,9% des contribuables) paient 32% de l’impôt sur le revenu pour financer les dépenses gouvernementales. Peu de gens gagneraient à vivre dans une société où les autres individus seraient pauvres et où l’on exilerait les créateurs de richesse qui ont du succès.
Le Québec, un dernier de classe en Amérique du Nord
Selon la méthode de conversion du taux de change utilisée, le PIB par habitant est au moins 21% plus élevé aux États-Unis qu’au Québec, voire 44% plus élevé selon le taux de conversion de l’OCDE à la parité de pouvoir d’achat. Si on calcule le PIB par habitant des 10 provinces canadiennes et des 50 États américains, en utilisant la parité de pouvoir d’achat Canada–États-Unis employée par M. Fortin, le Québec se classe 50e sur 60. Et si on calcule le total des impôts en proportion du PIB, les citoyens du Québec sont les plus imposés. Tout n’est pas noir au Québec, mais il est certainement possible de s’améliorer, notamment quant à notre prospérité afin d’atteindre individuellement et collectivement un meilleur niveau de vie.
Article publié par l’Institut économique de Montréal.
Note :
[1] Jean-François Lisée, « Revenu: 99% des Québécois font mieux que 99% des Américains », Le blogue de Jean-François Lisée, 27 janvier 2011.
[2] Le 1,4% de MM. Lisée et Fortin est obtenu en combinant le taux de change à la parité du pouvoir d’achat entre le Canada et les États-Unis (0,89) avec une équivalence de la parité du pouvoir d’achat entre Montréal et les autres grandes villes canadiennes (0,95), ce qui donne un taux combiné de 0,9368. Si on utilise plutôt le seul taux de change à la parité du pouvoir d’achat compilé par l’OCDE (0,8257), on obtient une différence de revenus de 15,1% en faveur des Américains.