(Gaïa Editions, 2006, 235 p. et Editions Actes Sud, Collection Babel, 2009, 253 p.)
Envie de … résumer :
Désirée se rend régulièrement sur la tombe de son mari, qui a eu le mauvais goût de mourir trop jeune. Bibliothécaire et citadine, elle vit dans un appartement tout blanc, très tendance, rempli de livres. Au cimetière, elle croise souvent le mec de la tombe d'à côté, dont l'apparence l'agace autant que le tape-à-l'œil de la stèle qu'il fleurit assidûment.
Depuis le décès de sa mère, Benny vit seul à la ferme familiale avec ses vingt-quatre vaches laitières. Il s'en sort comme il peut, avec son bon sens paysan et une sacrée dose d'autodérision. Chaque fois qu'il la rencontre, il est exaspéré par sa voisine de cimetière, son bonnet de feutre et son petit carnet de poésie. Un jour pourtant, un sourire éclate simultanément sur leurs lèvres et ils en restent tous deux éblouis... C'est le début d'une passion dévorante.
Envie de … donner mon avis :
Délicieux ! Une agréable découverte ! Un véritable coup de cœur !
Ce roman est celui d’une histoire d’amour pas comme les autres. Et c’est précisément son côté insolite et décalé qui fait toute sa valeur et son succès.
Loin des histoires d’amour que je qualifierais d’« ordinaires », parfois convenues ou largement prévisibles, Le mec de la tombe d’à côté décrit l’histoire d’un homme et d’une femme dont le seul point commun est de se rendre régulièrement au cimetière sur la tombe d’un être cher ! Maigre point de départ, me direz-vous … En effet, tout les sépare :
Leur cadre de vie : Elle habite en ville, dans un appartement design et aseptisé ; Lui vit dans la ferme familiale, à 40 kilomètres de la ville, dans l’odeur de l’étable et du compost, au milieu des broderies au point de croix et des « chiures de mouche ».
Leurs centres d’intérêts : Elle, « femme de Carrière avec Centres d’intérêts Culturels » aime la lecture, le cinéma, l’opéra ; Lui accumule les vieux numéros du Pays, s’endort à l’opéra, boude devant La leçon de piano mais s’enthousiasme devant Police Academy ou Sport Info.
Leur style vestimentaire : Elle est adepte des couleurs pâles et du pur coton ; Lui, plutôt genre « plouc », achète ses bleus de travail par correspondance (ou lorgne sur les chemises criardes fantaisie …).
Ce qu’ils attendent du sexe opposé : Elle, veuve sans enfants, habituée des produits surgelés, écoute inlassablement son horloge biologique tourner et rêve de vacances d’été ; Lui, amateur de boulettes de viande maison et de bœuf en salaison, attend d’une femme qu’elle soit, à l’image de sa défunte mère, une « troisième main » pour son conjoint : elle doit non seulement pouvoir gérer l’entretien de la maison et la cuisine, mais aussi pouvoir prêter main forte aux travaux de la ferme ! Alors les enfants …
Et pourtant, sans vraiment savoir pourquoi, ils ont besoin l’un de l’autre.
Leur entente sexuelle est leur principal point de convergence. Cette attirance physique qu’ils ressentent mutuellement est pourtant inexplicable, pour lui comme pour elle : lui, jeune paysan fantasmant plutôt sur des femmes maquillées, bien en chair, que l’on remarque, s’étonne de son désir pour cette « Crevette » pâlotte et maigrichonne ! Elle, en citadine raffinée, s’étonne de la sensation de bien-être qu’elle ressent aux côtés de cet homme en salopette qui sent le fumier, et dont les seules interlocutrices sont ses vingt-quatre vaches, la véto et l’inséminatrice !
Autant d’éléments qui laissent entrevoir la fragilité de leur relation, fragilité qu’ils tentent d’enrayer grâce à l’humour et à l’autodérision dont ils savent faire preuve. Cependant, jusqu’où peuvent-ils contourner leurs différences ? Quels pas, quels efforts sont-ils prêts à fournir pour assurer un avenir à leur relation ? Sont-ils prêts à s’ouvrir sur l’univers de l’autre, et à ouvrir leur propre univers à l’autre ? Chacun sur leur étoile, arriveront-ils à communiquer ?
Sur fond de choc des cultures, ce roman est extrêmement prenant, tout simplement émouvant. Les personnages sont attachants, l’écriture est simple, sans prétention. J’ai beaucoup aimé la façon dont le récit est mené. Le changement de narrateur à chaque chapitre permet au lecteur de connaître le point de vue de Désirée puis celui de Benny sur les mêmes événements, et c’est ce qui rend le roman si captivant, si vivant.
De l’humour, des clins d’œil suédois, de vraies émotions, un réel franc-parler. Tels sont les ingrédients de ce roman que je vous recommande vivement !
Envie … d’un extrait :
« J’ai un bac plus pas mal d’années, a-t-elle dit soudain. Et en général, je donne la bonne réponse sans tricher aux questions de Dagens Nyheter. Mais je n’ai jamais soupçonné qu’il puisse exister des remorques autochargeuses ni des protège-pis pour vaches ».
« On va aussi bien ensemble que la merde et les pantalons verts, comme disait mon grand-père. Et je ne veux pas que ça s’arrête. A chaque jour suffit sa peine, je n’aurai qu’à apprendre à faire avec ».
Envie … d’en savoir plus :
Ce roman a été adapté au cinéma en 2002 par le réalisateur suédois Kjell Sundvall avec Elisabet Carlsson et Michael Nyqvist dans les deux rôles principaux.
En 2009, il est adapté en France au théâtre par Alain Ganas dans une mise en scène de Panchika Velez avec Anne Loiret et Vincent Winterhalter dans les rôles principaux joués au théâtre du Petit-Saint-Martin, reprise en 2010 avec Sophie Broustal et Marc Fayet dans les deux rôles principaux au Théâtre de la Renaissance puis en tournée en France.