Bono, quand est-ce que tu refais de la musique ?

Publié le 15 avril 2011 par Macadam Cowgirl

lying on warehouse floor, writing, close-up–'U2 Rattle & Hum - The official book of the U2 movie'–[home8.inet.tele.dk].jpgMon cher Paul,

tu permets que je t'appelle Paul, puisqu'après tout c'est ton vrai prénom. Arrêtons 5 min les faux-semblants et les mystifications diverses, laisse tomber ton pseudo et tes lunettes fumées derrière lesquels tu te caches depuis trop longtemps maintenant pour être resté honnête.

Ceci n'est pas une lettre de fan dont de toute façon tu n'as rien à battre, puisqu'elle ne te rapportera rien. Pas un kopeck. C'est une lettre de dégoût de quelqu'un qui aime la musique, dirons-nous. Car à une époque, tu faisais de la musique. Si, si, rappelle-toi, je sais que c'est très loin, mais essaie quand même :

Aujourd'hui, voilà ce que tu donnes sur scène :

C'est pas beau n'est-ce pas ? Oui... Je suis assez d'accord.

Le dégoût, mon cher Paul, c'est quelque chose qui se nourrit chez les gens par l'accumulation. On en rajoute un peu plus à chaque fois, jusqu'à l'écoeurement. Au bout du compte, on dégueule.

Il y a à peine 2 jours, l'écoeurement a été à son comble, et pourtant, ça n'avait rien de surprenant : ton groupe venait d'exploser les Rolling Stones, en accomplissant la tournée la plus lucratif de l'Histoire. Vise un peu : 700 millions de dollars et des poussières avec le 360°Tour. Une tournée à côté de laquelle le Zooropa Tour, avec ses écrans, ses Traban suspendues, et ta mégalomanie plutôt rigolote, faisait l'effet d'une kermesse d'école. Non, là, les billets se vendaient au plus bas (et pour une vision de merde) à 60 euros, la tournée était sponsorisée par Blackberry et Live Nation, elle est méga polluante puisqu'elle nécessite 120 camions (toi qui chantait dans Where the streets have no name "I want to feel, sunlight on my face/I see that dust-cloud disappear without a trace/I wanna take shelter from the poison rain") et toi et ton groupe, vous étiez encore un peu plus isolés de votre public. Tant à cause de la disposition de la scène que, surtout, de votre mine inexpressive au possible. A croire que venir jouer devant des millions de cons qui vous aiment (encore) est devenu pour vous comme venir pour moi au bureau : un truc chiant.

Mon cher Paul, je te déteste d'autant plus aujourd'hui que je t'ai adoré hier. Je te déteste pour ce que tu as fait aujourd'hui de ton groupe, surtout quand je me souviens de ce qu'il a été. Tu me fais vraiment chier, parce que ça fait mal au coeur de voir des musiciens qui avaient des idées devenir de vieux patrons qui n'ont plus rien à dire. De voir ceux qui jouaient hier avec BB King enregistrer des chansons avec David Guetta. Et ce n'est pas seulement parce que vous deviendriez gâteux.

J'ai pu supporter un temps ton pseudo engagement de chef d'Etat de pacotille pour la cause africaine, le sida. Si dans les années 80, c'était sans doute une démarche sincère, aujourd'hui, j'en doute fort, surtout quand ça prend le pas sur la musique et que, depuis longtemps, tu as troqué les fringues de gitan du Joshua Tree Tour 87 pour celles d'un VRP de luxe qui prend ses vacances au Cap Nègre. Mais bon, j'y arrivais encore, même après t'avoir vu en concert en 2005, date à laquelle ton groupe était déjà foutu.

Tes petits mic-mac avec divers chefs d'Etat, ta façon d'entretenir l'image d'Africains incapables de se démerder seuls (ça t'arrange bien, sinon ton business avec RED s'écroule), tes parts dans Facebook, et toutes tes conneries débitées à longueur d'interview (compilées ici, en partie, par le célèbre critique rock Dave Marsh, que tu devrais lire plus souvent : http://www.counterpunch.org/marsh03092007.html), tout ça, ça s'est bien accumulé. Mais ça pouvait encore passer, si au moins toi et ton groupe, vous aviez été capables de rester intéressants musicalement.

No line on the Horizon est je crois le pire album que vous avez pondu depuis Pop (et encore, là dessus, il y avait des trucs cools). Je n'ai même pas été capable d'écouter une seule chanson jusqu'au bout. Et c'est avec ça que vous remplissez les stades et faites la tournée la plus lucrative de l'Histoire ? Non parce que, ne viens pas me dire que c'est aussi pour les vieux standards qu'on vient vous écouter, et pour votre sincérité, votre communion avec le public. Ne te fous pas de moi. Tu sais comme moi que c'est terminé depuis bien longtemps, et que si on vient pour ça, on risque fort de ressentir une drôle de douleur entre les fesses en sortant. D'autant plus douloureuse qu'il n'y avait aucune tendresse.

Mon cher Paul, j'en conclus donc que toi et ton groupe, non seulement vous avez érigé l'hypocrisie en art majeur, à défaut de votre musique, mais en plus, vous vous foutez de la gueule de votre public. Tu lui vends de la merde, et même pas avec le sourire, vu que tu tires toujours la tronche depuis quelques années... Et tes cons de fans indéfectibles te remercient en t'enrichissant davantage. Ce qui, vu ta tête sur scène, n'a pas l'air de te rendre plus heureux. Ca n'enrichit d'ailleurs pas non plus tes idées musicales, et c'est vraiment ça le plus triste.

Fut un temps, tu t'habillais comme un sac, tu t'étais fait un pseudo look de mexicanos avec galure, bretelles et ceinture de tissu, boucle d'oreille et cheveux longs. Je ne parle même pas de ta période mulet. Tu te jetais dans la foule, tu confiais que tu bandais grave quand tu sentais que la fille que tu faisais danser dans le public tremblait dans tes bras. Toi et ton groupe, vous pouviez enregistrer 269 fois une chanson avant qu'elle soit parfaite (elle est sur Rattle and Hum, tu sais de laquelle je parle). J'ai même relu une critique de concert de Laurent Chalumeau dans un Rock and Folk de 85 (là, on est dans la Préhistoire), qui te trouvait gauche, nullard, nasillard, mais justement tellement bon à cause de ça, parce que plus t'étais mauvais, plus tu en faisais des tonnes, et tu en devenais beau. Chalumeau concédait déjà que tu méritais mieux que ton public d'ados. Le croirais-tu ? Ce qui te sauvait, toi et ton groupe, c'était votre putain de sincérité. Là, tu faisais du rock n'roll. Maintenant, tu ne fais qu'amasser du pognon à peu de frais, et tu n'en branles pas une sur scène. Echec, tu crois ?

Un jour, j'ai lu cette phrase de The Edge parlant d'Elvis : « Je n'ai aucune ambition à devenir gros et paresseux comme lui à la fin de sa vie. » Edge, je l'adore. Ca a toujours été lui, le musicien du groupe. Mais tu pourras lui dire de ma part qu'aujourd'hui, il est aussi paresseux qu'Elvis, et que malheureusement pour lui, et pour vous, vous ne laisserez pas dans l'histoire du rock la même trace que lui. Note bien, c'était peut-être pas votre ambition. Tant mieux, parce que si cela avait été le cas, c'est raté. Vous avez décroché à un moment, je sais pas, les années 2000 vous ont fait flippé. M'est avis que vous auriez mieux fait de jeter un coup d'oeil en arrière. Quand on vous regardait en 87, on pouvait se dire que vous prendriez le même chemin, même en faisant des projets ambitieux et décadents comme Achtung Baby. Mais non. Vous avez choisi de faire de la merde. Plein de groupes le font, c'est vrai, mais ce n'est pas une excuse.

On sait que tu ne feras plus jamais un bon disque, ni même une bonne chanson. Vous l'avez fait « avant ». Votre chef d'oeuvre, vous l'avez fait en 1987, avec une parenthèse enchantée jusqu'en 92, après... Le désert, avec quelques oasis et mirages par-ci par-là.

Alors, outre la vacuité musicale de ton groupe, ce qui reste le plus impardonnable, mon cher Paul, c'est que tu profites de ta position pour nous servir ta soupe de politicard insupportable. Tu ne peux pas te contenter de chanter (mal aujourd'hui, d'ailleurs) et de compter les rangs pour estimer l'ampleur des gains ?

Au moins, là-dessus, fais comme les Stones : prends l'oseille, et tire-toi.

Merci, cher Paul, de considérer un peu la question.