Le gouvernement vient d’annoncer une nouvelle réforme du système d’imposition en France. Remarquons d’abord qu’après la suppression des réductions d’impôts sur les crédits immobiliers, il s’agit de remiser, une à une, la plupart des autres mesures du fameux « paquet fiscal » de 2007.
Il serait donc tentant de se féliciter de ce qui pourrait apparaître comme l’aveu d’une faute. Il serait malheureusement naïf de croire que les mesures annoncées aujourd’hui signeraient en quoi que ce soit un regret ou un renoncement de la part de la droite. En quoi consiste, en effet, cette réforme fiscale, que le ministre du budget cherche à nous présenter comme politiquement équilibrée, socialement juste et budgétairement neutre ? C’est en réalité, une fois de plus, une réforme visant à alléger fortement l’impôt des Français les plus riches.
Certes, le « bouclier fiscal » est supprimé. Mais ce n’est pas réparer une injustice que la remplacer par une autre : l’impôt de solidarité sur la fortune concernera désormais 300 000 contribuables de moins, et pour tous les autres il sera considérablement allégé. Pour les patrimoines supérieurs à 16 millions d’euros, le taux de prélèvement passera de 1,80 % à 0,5 %. Cela représentera pour les contribuables visés par ces mesures un allègement sensible de leur imposition annuelle, le gain tiré de la réduction de l’ISF étant supérieur à la perte liée à la suppression du bouclier fiscal.
Certes, la réforme se veut globalement équilibrée par l’augmentation des droits de succession, mais celle-ci ne concernera que les héritages supérieurs à 4 millions d’euros (donc une infime proportion des foyers français). Et cet impôt n’intervient par définition qu’une fois dans la vie d’une famille quand les mesures annoncées aujourd’hui sur l’ISF bénéficieront chaque année à tous leurs heureux bénéficiaires.
C’est donc l’injustice de plus, et peut-être celle de trop. Alors que le capital est scandaleusement sous taxé par rapport au travail, le gouvernement fait, encore une fois, le choix de donner à ceux qui ont, tout en continuant à prendre à ceux qui n’ont pas. Je pose la question avec gravité : de qui Nicolas Sarkozy est-il le président ?
Dans la crise sociale très profonde que traverse notre pays, avec un jeune actif sur quatre au chômage, plus de 3 millions de mal logés, un hôpital public en voie d’explosion, n’y a-t-il rien de plus urgent que d’alléger l’impôt sur la fortune ? Et pour s’en tenir au champ de la fiscalité, il y aurait des réformes bien plus impérieuses- le Parti socialiste vient d’en proposer les fondements dans son projet -, pour remettre à l’endroit un système de plus en plus inefficace et injuste, et de moins en moins progressif. En ne s’intéressant qu’à l’ISF, qui concerne 500 000 foyers fiscaux (ou plutôt, désormais, 200 000…) sur 36 millions, le gouvernement montre, cette fois encore, qu’il gouverne pour la petite minorité des plus aisés, et que, pour le dire simplement, le peuple n’est pas son affaire.
De l’impôt de solidarité sur la fortune, il ne restera pas grand-chose. En revanche, la solidarité des fortunés contre l’impôt s’est installée comme une norme, comme un pouvoir, et il faudra l’abolir. C’est l’une des responsabilités majeures de la gauche, de savoir porter cette exigence, cette espérance, cet appel à un peu plus de justice.
Bertrand Delanoë
Merci à Section du Parti socialiste de l'île de ré
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