Il n'ose toujours pas dire qu'il est candidat, il joue au « vieux sage ». Mais surtout il se répète, il rabâche des
formules déjà maintes fois écoutées. Peut-être pense-t-il que c'est efficace. A gauche ou à droite, les autres candidats, officieux ou officiels, multiplient les propositions. Sarkozy, lui, à un
an de l'élection présidentielle, n'a pas renouvelé son discours. Il garde ses idées pour la campagne, la vraie. Pour le moment, il fait dans la pédagogie et le service après-vente.
Au moins, François Fillon fait-il rire, et c'est tant mieux. L'Assemblée nationale s'est un temps
détendue, mardi après-midi, après un gentil lapsus du premier ministre, qui confondit « gaz de shit » et « gaz de schiste ».
Ecouter Nicolas Sarkozy est bien moins divertissant. Parfois, il tente aussi l'humour. Mardi dernier, le
candidat non déclaré animait ainsi une table ronde sur les professions libérales à Versailles, avec un micro-panel représentatif
(deux avocats, un expert-comptable, une kinésithérapeute, un médecin libéral, et un architecte urbaniste, ), spécialement sélectionné pour faire « terrain et proximité ». Une vraie
réunion tupperware, mais avec estrade, projecteurs, caméras et public. Grand sourire aux lèvres, il commença ainsi : «
Connaissez vous beaucoup de Français qui ont le sentiment qu'on s'occupe assez d'eux ? Y-a-t-il une seule catégorie qui me dise, 'ah merci, vous vous occupez suffisamment de nous' ? »
Cette formule est une variante du « Je vous demande de considérer que mon travail n'est pas très facile » lancé sur TF1 le 10 février dernier, ou de sa fameuse : « Rien ne me fera reculer ni arrêter pace que ça fait trop
longtemps qu’on met la poussière sous le tapis »
Mercredi, le Monarque n'avait plus
d'humour, quand il entendit le patron de Total promettre un litre d'essence à 2 euros « inévitable ». Crime de lèse-majesté ! Il ne faut désespérer les masses laborieuses à la veille
d'un scrutin ! « Les propos de monsieur de Margerie sur le litre à 2 euros sont indécents », a-t-il lâché devant des députés UMP: «Je vais m'en
occuper».Il est pourtant évident et connu que les ressources pétrolières n'étant pas infinies, la pénurie fera inexorablement monter les prix...
Le lendemain, le candidat a fait une fois encore la leçon aux enseignants, toujours la même : contre
l'immobilisme (comprenez, la résistance aux réductions de postes), contre la délinquance (responsable de l'échec scolaire ?), pour la réforme (c'est-à-dire travailler plus avec
moins)...
Jeudi, il s'adressait aux enseignants, pour une table ronde sur « la prévention de l'échec scolaire », organisée dans le gymnase du collège Jean Monnet de
Bagnères-de-Luchon, en Haute-Garonne. Il était arrivé en hélicoptère. A nouveau, les grands moyens !
Il rencontra les 9 élèves d'un établissement de réinsertion scolaire (ERS), et même joué au ping-pong avec l'un d'entre eux ! Quelle proximité ! Ces
ERS sont des internats à surveillance renforcée qui accueillent une poignée d'élèves « perturbateurs ». Le Monarque a répété sa promesse de l'automne dernier : de 11, ces ERS passeront à 20. Vingt internats pour quelques centaines d'élèves
encadrés... Une goutte d'eau dans un océan de problèmes. Où est la cohérence ? Via les ERS, Sarkozy reconnaît pour quelques élèves les vertus de l'encadrement qu'il nie au plus grand
nombre.
De l'échec scolaire, on glissa vers la délinquance. Claude Guéant n'était pas du voyage. Qu'importe ! Il faut «
mettre fin à cette omerta sur la violence à l'école », a expliqué le Monarque. Quelle omerta ? On se
souvient des meurtres d'élèves, il y a un an, et des grèves et protestations de parents contre le
manque de personnel d'encadrement dans certains établissements. Le sujet avait occupé et pollué une belle partie de la campagne UMP des élections régionales du printemps. En janvier 2010, Sarkozy s'exclamait déjà : « S'il y a bien un lieu qui doit être protégé de toute forme de
violence, un lieu qu'entre tous il faut sanctuariser, c'est l'école ».
Et bien, un an plus tard, le Monarque se répète : « C'est un sujet capital, central, qu'il faut traiter sans être
obsédé mais sans naïveté non plus. La réponse n'est pas toute sécuritaire, elle est également pédagogique mais, à un moment donné, si les familles ne font pas le travail, si l'Etat ne fait pas
son travail, on ne peut pas laisser l'établissement seul avec ça. » L'indignation est facile !
Problème d'effectifs ? Sarkozy ne fait jamais le lien. Il ressasse que les suppressions de postes, c'est moderne; et que
l'Etat est fauché. Au lendemain d'un joli cadeau d'un milliard d'euros (par an) d'assouplissement de
l'ISF, l'argument est cocasse... La Cour des Comptes avait rappelé, en début d'année, que le
non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, qui affecte particulièrement l'Education nationale, ne générait que « 100 à 200 millions d'euros en
2011 ».
Devant son parterre silencieux, ce jeudi, le Président des Riches eut cette formule : « J'ai beaucoup d'admiration pour
le travail que vous faites et comme chef de l'Etat, je suis bien conscient de l'importance du rôle que vous jouez, plus que vous ne pouvez l'imaginer. En même temps, j'aimerais vous convaincre
qu'il ne faut pas avoir peur du changement, que vous êtes au fond l'avant-garde de ce changement. Les élèves que vous avez changent, nos méthodes doivent changer.» Quel changement le
Monarque pouvait-il encore proposer, après quelque 70.000 suppressions de postes, pour l'essentiel d'enseignants ? La réforme ! La rupture ! « Il n'y a aucun avenir possible dans
l'immobilisme, dans le nivellement, dans la paupérisation, absolument aucun ».
En mars 2007, déjà en campagne, il déclarait que « les
enseignants ont compris que la logique permanente des moyens supplémentaires allait contre leur pouvoir d’achat.» En avril 2011, comme si le temps s'était figé, le voici qu'il déclare : «
Je sais qu'il y a un problème qui se pose de rémunération pour les profs. Mais je voudrais faire comprendre que tout ne se résout pas par des problèmes de quantité, qu'il y a un problème de
qualité aussi, que face à la massification, la société française a fait le choix d'augmenter le nombre de postes. C'était sans doute nécessaire, il ne m'appartient pas de juger. »
Rien n'a donc changé ? Si... les déficits publics sont pires qu'avant. Et Sarkozy demande aux enseignants une rigueur qu'il
n'ose exiger de son Premier Cercle : « Mais réfléchissez : compte tenu des déficits, des problèmes que nous avons, on ne peut pas faire le choix à la fois d'augmenter sans cesse le nombre et
en même temps d'augmenter la rémunération des statuts. Je veux que les enseignements ne perdent pas confiance dans leur mission. Elle est aussi importante qu'elle l'était il y a 30 ou 40 ou 50
ans. »
Il conclut : « C'est un métier magnifique dont on a besoin. J'ai conscience que les conditions ont profondément
changé, que vous avez encore la passion mais aussi beaucoup de déceptions, que vos initiatives ne sont pas valorisées. On aura d'autres rendez-vous, je serai très
présent.»
Très présent ? Pour le moment, le candidat se cache. Il ne dévoile que peu d'idées. Son ministre du budget a lâché cette curieuse proposition de prime de
1.000 euros pour les salariés d'entreprises qui verseraient des dividendes. Neigerait-il à Noël ? Que nenni ! La prime ne sera ni obligatoire ni de 1.000 euros. Elle recoupe de surcroît nombre de
dispositifs existants. Mais qu'importe ! L'idée fait joli, quelques instants, dans les journaux télévisés. Plus le scrutin approche, plus le monarque deviendra social. Après la séquence
sécuritaire, puis celle internationale, attendez-vous à une étape sociale.
Le candidat se prépare.
Sarkofrance
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