"A partir de cette photo, toutes et tous les volontaires écrivent un texte. Il n'y aucune contrainte de forme ou le style, seulement celle de s'inspirer de cette photo et de rester sur une longueur raisonnable pour un texte de blog.
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Je suis Camino et Dominique dans ce petit jeu.
Si carrière m'était contée...
Vas y, prends la ta photo pour ta mère. J’en ai marre de leurs fichues photos.
« La semaine dernière, je vous ai vu dans…. » Oui, c’était en 82, j’avais trente ans de moins. Les gamines de ton age me tombaient dans les bras. On était fous, on était cons.
L’époque où rien n’était impossible. On buvait des cocktails dans des piscines, on se réveillait au matin dans des draps inconnus, les bras piqués des hallucinations de la nuit.
Je passais de soirées en plateaux, de tournages en séances photos sans trop me poser de questions.
Le Sida a emporté quelques amis, un mariage fit fuir des poignées de groupies, un divorce a relancé des propositions de boulot.
J’ai fait un disque, le pire qui soit.
J’ai traversé un désert, d’alcool et de vide. Je buvais beaucoup, mais plus dans ces fêtes où on ne m’invitait plus depuis bien longtemps.
C’est Mimi qui a cru en moi. Un vieil acteur bouffi par trop d’excès pour jouer un vieux clochard dans un film à gros budget. Il gueulait quand j’arrivais en retard, me mettait des claques quand je m’endormais dans un coin… on en est même venu aux mains.
Mimi, c’était le fils de mon pote Polo, celui avec qui j’avais fait les 400 coups, qui s’était rangé dans les 80’s après avoir fait de mouflot. Sa mère était si belle, aujourd’hui beaucoup moins. On a bien vécu. On a vieilli.
Ce petit con croyait en moi, à moins que ce ne soit son père qui le poussait au cul pour qu’il me fasse bosser. Ce con avait loupé la meilleure période de notre vie. Il n’était pas mort et avait échappé à cette hépatite qui me grignote toujours l’intérieur.
Le gamin a réussi.
Un premier film, des Oscars et mes larmes en cascade face au tout Hollywood. Ils m’ont primé. Pour une fois, 10 ans après, que j’étais invité à une fête. J’avais ramené une petite pin up, qui maquillait sur le tournage. Elle m’engueulait quand je sentais trop la bibine, mais elle savait camoufler les lèvres bleues qui trahissaient les mauvais rouges au matin. Polly, je n’aurais rien fait sans elle.
Elle avait vu ce film, celui de 82, celui où j’étais jeune et jouait l’espion.
Un autre mariage et des ex fans qui revenaient. Des propositions, des fêtes où des petits cons tournaient mal, tournaient en rond, tournaient à la coke comme on tournaient à l’héro à leur âge.
Polly voulait un gamin, j’avais des envies de tour du monde.
Je lui ai fait un gosse, on s’est établi à Détroit, pas loin de sa famille.
Le petit a grandi, elle est partie avec un autre. J’étais ailleurs tout le temps, trop de tournages et pas de folies, mais des voyages, une cure de désintox ont eu raison de notre couple. Mon foie m’inquiétait.
Aujourd’hui, j’ai envie de voir le monde.
Paperasses, paperasses, il en faut tant pour ce fichu passeport biométrique ! On a foutu Bush dehors mais j’ai l’impression que c’est encore pire !
Puis la photo. A mon époque, on n’avait pas ce genre de machines. On allait chez le photographe et c’était normal. Bon, ça me faisait chier quand même, mais c’était un passage obligé, donc…
Je suis allé trouver le photomaton à la gare en face de chez moi. J’y ai trouvé ma jeunesse. Juste à côté, une grosse pub. J’ai le téléphone en la main, nous sommes en 81 sur un tournage. Un film qui m’a lancé et dans lequel, la gosse que je viens de croiser devant la gare, m’a vu la semaine dernière.