Doha,
Le militaire n'a pas marché.
Les rebelles n'ont pas pris Tripoli. Ils n'ont même pas réussi à "libérer" la Cyrénaïque. Et les frappes de l'Otan n'ont pas fait déserter en masse les troupes loyalistes. Moralité : un mois après le début des opérations, Kadhafi est toujours là, bien en place.
Comment le faire partir, sans mettre de troupes au sol et sans bombarder massivement Tripoli ?
A Doha, le groupe de contact, qui se réunissait pour la première fois, a adopté hier une stratégie alternative, politique, pour contraindre le « Guide » à quitter - à terme - le pouvoir.
Le but est désormais de convaincre les piliers du régime Kadhafi, ou mieux le "Guide lui-même, que le système n'a plus d'avenir et qu'il est temps de quitter le navire.
Comment ? La stratégie comporte six volets :
- accroître les frappes de l'Otan afin que l'entourage du "Guide" ne croient pas (ou plus) que la coalition se satisfait du statu quo politico-militaire actuel.
- aggraver les sanctions économiques contre les principaux responsables du régime et se préparer à les lever si l'un d'entre eux fait défection.
- faire savoir que les futurs "défecteurs" seront bien traités. D'où la présence à Doha de l'ancien patron des services secrets, Moussa Koussa, qui, après sa défection, avait été mis en résidence surveillée à Londres et que, sur l'amicale pression de Washington et Paris, les Britanniques se sont empressés de libérer. Ses avoirs gelés lui ont été rendus publiquement.
- accroitre la légitimité du Conseil National de Transition, qui a été officiellement auditionné par le groupe de contact (et par les Européens mardi à Luxembourg). De même, son porte-parole, Mahmoud Djibril, sera reçu au Congrès à la fin de la semaine.
- Aider financièrement la rébellion afin qu'elle puisse élargir son assise politique interne et extérieure - et acheter des armes, selon certains en tous cas.
- multiplier et coordonner les discussions avec les proches de Kadhafi qui, comprenant le message de fermeté de la coalition, cherchent (et chercheront) à discuter d'une transition avec le CNT. Ce rôle d'intermédiation, le groupe de contact l'a confié hier à l'envoyé spécial de Ban Ki Moon pour la Libye, l'ancien ministre des Affaires étrangères de Jordanie, Abdul Ilah Khatib. Afin de faciliter les négociations et les élargir aux plus d'interlocuteurs possibles, le départ de Kadhafi n'est plus considéré comme un préalable aux discussions.
Sur le papier, la stratégie, diversifiée, semble excellente. Mais, dans la pratique, la coalition est si divisée sur les modalités techniques, si peu sûre d'elle-même, et les "défecteurs" potentiels semblent si bien contrôlés à Tripoli, que, hier, à Doha personne ne prévoyait que cette nouvelle approche produirait de résultats rapides, et encore moins un départ prochain de Kadhafi.