Eric Pesty publie un livre tout à fait remarquable, Journal d’un poème, de Roger Giroux.
Conclusion de la préface de Jean Daive : « Roger Giroux a toujours tenu un journal, parce qu’il aime regarder l’écriture en train de se faire. »
« Les carnets intimes traitent de l’absence, de la présence, du rien et du silence, du non-être de l’esprit. Ils sont nombreux. L’écriture très particulière de Poème a suscité Journal d’un Poème, publié ici avec ses couleurs. Il est à part. Il progresse selon l’invention visuelle du poème, il en suit l’évolution, il accompagne les différentes phases de l’expérience, dévoile les enjeux de l’œuvre.
« C’est ainsi que Poème et Journal d’un Poème s’imbriquent parfaitement. Tout de Poème se retrouve différemment dans Journal d’un Poème. La différence est ce qui doit définir Poème et définir Journal. Car Roger Giroux a conscience que la langue n’a plus une vérité de sens (il la laisse encore volontiers au Journal), mais une vérité de signes, vérité qu’il veut inscrite, dessinée, graphique, théâtralisée, jouée dans l’espace du livre et de ses doubles pages. Roger Giroux sait qu’il va à contre-sens et qu’il change de tradition de langage. Il propose une nouvelle abstraction dont Journal d’un Poème livre la pensée. Un exemple : « Ne rien écrire qui ne témoigne du centre de l’Univers » (site de l’éditeur)
Aller ––––– vers quel pays,
quel paysage de l’écoute ?
Intérieurement à l’œil
qui ne sépare plus une
image d’une autre. On croit
descendre vers un lieu
où le silence parlerait
la langue de toutes les
choses : on est ici dans le
très léger frémissement
de ce qu’on ne peut – provi-
soirement – désigner autre-
ment que par « rien ». Inuti-
lement dire cela. Et ainsi toucher
les parois de ce grand vide
qui s’installe au lieu de
l’écriture. Nul centre dé-
sormais, si ce n’est en tous
les points de ce vide qui n’est
pas à dire. Dont je parle hors.
N’étant ici, moi-non moi, « si
ce n’est hurle ». L’été…
Dérive dont je tiens une
image, un fantôme de barre.
mais je repousse les sollicita-
tions des lectures antérieures
entrées en rêverie et qui cor-
rompent l’ici. Désapprendre
les mots, désentendre les
bruits, se délivrer du livre
à faire, se défaire de tout pro-
jet d’écrire, écrire seulement,
(et ne pas cherche à convaincre
ceci de cela, pas plus qu’il
ne faudrait vouloir dissuader
cela de ceci). Ceci n’a
pas de commencement,
cela n’a pas de fin.
Et ce qui bouge en moi est
l’immobilité même.
Le non-poème est l’être
du Poème. Ainsi le poème
avance dans l’espace du non,
Solitude est son masque,
et silence sa première
parole. (Mais c’est trop
dire)silence.) Puis il
passe. Effroi de l’Un-non un
devant le non poème.
Le Poème est ici
*
Ne rien écrire qui ne
témoigne du centre de l’
Univers.
Le bord, l’aube des Temps,
sur la mort
Roger Giroux, Journal d’un poème, Eric Pesty éditeur, 2011, sans pagination.
(voir sur le site de l’éditeur un exemple de mise en page)
Roger Giroux dans Poezibao :
bio-bibliographie, extrait 1, extrait 2,
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