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Résidence absolue, de Sabine Macher (par Jean-Pascal Dubost)

Par Florence Trocmé

Macher, résidence absolue Résidence absolue, texte écrit à l’occasion d’une résidence d’écriture à la Maison de la Poésie de Rennes, est une étrange continuité de prose. Arrêtons-nous sur le titre, sur l’épithète accolée au substantif contextualisant l’acte, étrangement accolée : une connotation métaphysique heurtant l’ordinaire. Non pas probablement une résidence omnipotente, prenant autorité sur chaque jour, sans opposition, ni concession, ni restriction, quand bien le texte s’installe exclusivement dans le temps de résidence d’écriture à la villa Beauséjour (renommée « Beaubébour »), dans l’espace dédié à ce temps, avec son intimité qui se mêle à la vie publique et aux figures croisées autochtones, mais plutôt une résidence sise dans un temps en dehors de tout repère et indépendamment de tout rapport avec autre chose : la longue prose continue afflue et grossit et charrie en apparent tout venant et sans souci de logique tout ce qui fait l’environnement de l’auteur en résidence tout en brouillant les repères ; ce qui fait temps. Ainsi, l’auteur/narrateur, vêtu à de la 3ème personne du singulier est-il tantôt « il », tantôt « elle », et une personne nommée par son état civil peut se voir (suppose-t-on) revêtue d’un autre nom qui fait personnage, autrement dit, personne, ou quelqu’un ailleurs, et ainsi de suite comme il en va de la syntaxe librement accordée et ne tenant guère compte de la normalité pour nous diriger droit vers un point inconnu. Le texte se referme sur lui-même comme un auteur en résidence peut éprouver l’enfermement dans une certaine contrainte (une assignation). Le texte file sur 70 pages de coq-à-l’âne constant et infatigable, ininterrompu, déroutant (on croit attraper une logique, et, ce ne fut qu’illusion), devient un trompe-l’œil si ce n’est un trompe-lire, cependant allègrement rythmé ; la tonicité du rythme intrigue en effet. Choses vues, entendues, impressions, fragments de conversation, gestes quotidiens… tout se mêle et s’enchaîne, le réel semble placé sur l’axe imaginaire : voilà qui n’est guère fait pour détendre le lecteur qui se questionne mot après mot : mais qu’est-ce que je fais là ? Pris dans cette prose continue de discontinuité. Comme l’Alice égarée mais fascinée : un tel texte initie au plaisir de se perdre.  
 
« tu m’écris le guide inventaire de la villa Beaubébour afin que l’on voie de très près et partout, avec les couverts en plastique qui chauffent dans le meuble de cuisine suspendu dans la véranda ce n’est pas ton nom, mais tu es trop petite pour un jardin d’hiver chère extension vitrée de la cuisine du premier étage. quand elle jette les feuilles de thé avec de l’eau dans la théière d’eau pour rincer ton toit en verre. dans le jardin l’axe de l’entrée, près de la plante qui peut faire des grosses fleurs blanches mais n’en fera pas cette année, peut-être même plus jamais, (peut-être elle n’en fait qu’une fois dans sa vie et c’est passé) cette phrase gouffre, la preuve elle est en fleur sur le diaporama qui défile. c’est quoi. sur l’écran de l’ordinateur de la villa Beaubébour avec une valeur sûre de poètes en général poétesses, on ne s’en sortira pas avec l’unisexe face aux auditrices-spectateurs de poésie, (la plante en fleurs), mais quand il écrit poète et poétesse, (les parenthèses ne sont pas une solution) on c’est moi, il faut d’abord dire l’une puis l’autre, décider qui dans quel ordre et changer l’accent sur le e. et, dans la doute elle commence avec le masculin, c’est la culture qui écrit. l’ordinateur y pense avec son minuscule zig zag rouge (il en met sous zag et pas sous zig) et c’est elle qui doit le faire. » (p. 36/37) 
 
L’auteur(e) a pris le parti d’explorer, ce semble, cet entre-deux labyrinthique situé entre réel et imaginaire ; la langue fore dans le premier pour qu’en surgisse le second, à moins que ce ne soit la langue, et elle seule, puissante en création d’illusions, qui, au final, devient le seul réel imaginable. 
 
[Jean-Pascal Dubost] 
 
Sabine Macher 
Résidence absolue 
éd. Isabelle Sauvage 
80 p., 15 € 


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