Les textes de Roberto Bolaño, huit ans après sa mort, n'ont rien perdu de leur cinglant (photo Mathieu Bourgois)
Il faut bien l’admettre, Roberto Bolaño n’est pas le plus connu des auteurs chiliens. Moins populaire qu’Isabel Allende, plus difficile d’accès que Luis Sepúlveda, moins connu que Pablo Neruda, le romancier - chroniqueur – poète jouit pourtant d’une notoriété et d’une aura dans la caste des auteurs hispaniques et même au-delà. Huit ans après sa mort, en 2003, à l’âge de 50 ans, paraît Entre parenthèses en France un recueil de discours, de conférences, de chroniques, de réflexions sur des grands tout et des petits riens moins insignifiants qu’il n’y paraît.
Replaçons l’ensemble dans son contexte. Bolaño grandit au Chili jusqu’à ses 15 ans puis part au Mexique en 1968. Cinq ans plus tard, il retourne dans son « pays couloir » pour soutenir Salvador Allende. Emprisonné huit jours au moment après le putsch, il quittera son pays en janvier 1974 et n’y retournera pratiquement plus. Du Mexique à l’Espagne, il publiera une quinzaine de titres. Autant de bombes saluées par de nombreux prix. Surtout, il a toujours gardé un oeil très critique sur les auteurs, les politiques, n’épargnant pas les « stars » – son antipathie pour Isabel Allende notamment est frappante dans Entre parenthèses -, encensant en toute modestie ceux qu’il adore.
Le recueil est troublant. Il regroupe une série de textes, pour certains inédits, écrits entre 1998 (alors que sort Les détectives sauvages) et 2003 . Les discours insupportables portent bien leur nom. On y retrouve la folie douce d’un anticonformiste bourré d’humour quand on lit entre les lignes. Son art de distiller les piques au détour d’une phrase et de faire semblant de ne rien dire quand, au final, tout est dit, a eu le don d’en agacer plus d’un. Et ce ne sont pas ses chroniques de livres ou ses portraits – au vitriol ou flatteurs – qui feront l’unanimité. L’exigence est son leitmotiv, la médiocrité du tiède l’insupporte. Expatrié, il porte aussi un regard critique cinglant sur son pays natal Mais, plus que le sens de la formule, Roberto Bolaño gardait un regard, une ouverture d’esprit et une manière bien à lui de sublimer le détail, de noyer dans le naïf des vérités crues.
A mi-chemin entre l’autobiographie et le recueil, Entre parenthèses peut se picorer au fil des envies. On adorera ou on détestera, mais il ne laissera pas indifférent. Pour l’auteur sans concession, c’est sans doute le plus bel hommage.
Entre parenthèses, de Roberto Bolaño (préface d’Ignacio Echevarría) , essais, articles et discours (1998 – 2003), aux éditions Christian Bourgois, 25 €. Disponible.