Anima fragile

Par Borokoff

A propos de La Nostra Vita de Daniele Luchetti 3 out of 5 stars

Dans la banlieue de Rome, Claudio, un jeune ouvrier dans le bâtiment ambitieux, est fou amoureux de sa femme Elena, enceinte de leur troisième enfant. Mais Elena meurt brutalement pendant l’accouchement. Fou de chagrin, Claudio refuse néanmoins de tomber dans le désespoir et décide, à la tête d’une équipe et d’un chantier qu’il a monté, de reprendre un immeuble délabré pour en faire un HLM…

Peinture d’une classe moyenne italienne en proie à des difficultés financières et morales, La Nostra Vita est d’abord le portrait intimiste d’un ouvrier (Elio Germano) obnubilé par l’argent et qui malgré l’amour qu’il porte à ses enfants, ne s’occupe pas beaucoup d’eux. Le décès brutal de son épouse ne change pas cette donne, au contraire. Le père fait penser à celui de Lenny and the kids en moins irresponsable quand même. Filmé caméra à l’épaule, La Nostra Vita est une œuvre très réaliste, proche du documentaire. Le film de Daniele Luchetti n’est pas un hommage au Néo-réalisme italien pourtant, mais il s’en inspire, pouvant s’enorgueillir en cette matière d’un riche héritage. Mais au-delà de ces considérations, La Nostra Vita est d’abord joué par un acteur exceptionnel, Elio Germano, de tous les plans et justement récompensé pour sa composition au dernier festival de Cannes.

Les différents angles sous lesquels on peut aborder La Nostra Vita expliquent sa difficulté à le cerner. Car le film évoque aussi bien les liens étroits qui existent entre Claudio et son frère que l’immigration clandestine des Roumains en Italie et un certain racisme qui en découle (avec le personnage de la sœur de Claudio). Il y a plusieurs histoires dans ce film, notamment d’amitié entre Andrei, un ouvrier roumain et Claudio. Le père d’Andrei, gardien de nuit travaillant au noir, s’est tué accidentellement sur un chantier où Claudio travaillait. Claudio est au courant, mais pour éviter que le chantier ne ferme et en accord avec un entrepreneur véreux avec qui il a fait une sorte de « deal » illicite et de chantage pour monter son nouveau business, a décidé de ne rien divulguer. L’amitié qui nait entre Andrei et Claudio s’est donc construite sur un mensonge et un secret.

Omniprésent, Elio Germano n’occulte pourtant pas les très belles prestations des deux enfants qui jouent ses fils (remarquablement dirigés) ni celle de Marius Ignat (Andrei). Le personnage d’Andrei est une vraie surprise dans le film. Rondouillard et renfrogné, Andrei, est à priori, un personnage lourdaud pour ne pas dire « beauf ». Mais peu à peu, le Roumain se révèle beaucoup plus profond et fin qu’il n’y parait, jusqu’à cette scène bouleversante où il demande à Claudio s’il pense pouvoir régler tous ses problèmes, y compris celui de la mort de sa femme, avec de l’argent.

Alors que retenir au final de ce film aux nombreuses portes d’entrées ? Qu’il est d’abord une ode à la vie teintée d’humour, ce qui l’empêche de tomber dans le marasme ou le pathos. Mais à travers les liens quasi-fraternels qui s’installent entre Claudio, son beau-frère et son voisin, « dealer » en chaise roulante, qui lui ont tous prêté de l’argent, La Nostra Vita est un film qui défend bec et ongles, avec une certaine naïveté peut-être mais sans démagogie, des valeurs de solidarité sociale en lesquelles il croit profondément. Et qui vont à l’opposé par exemple des idéaux socialistes rêveurs du couple bourgeois de La Bella Gente, si effrayé par la réalité au final…

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