- L’ epicerie des mes grands parents maternels – Migné – Indre
Voilà un « petit » livre, une longue lettre en fait de 78 pages adressée à la soeur de l’écrivain décédée avant que celle-ci ne naisse et dont elle a appris l’existence de façon fortuite par sa mère alors qu’elle a 6 ans.
Un « secret » jamais éventé et que ses parents ont emporté dans leurs tombes. « Entre elle et moi, c’est une question de mots. »
Ce livre sonne comme un besoin de se remémorer cette absence qui a transformé sa vie et qui a fait ce qu’elle est aujourd’hui.
«Tu n’as d’existence qu’au travers de ton empreinte sur la mienne. T’écrire, ce n’est rien d’autre que faire le tour de ton absence. Décrire l’héritage d’absence».
L’autre fille du titre, c’est elle.
« L’autre fille, c’est moi, celle qui s’est enfuie loin d’eux, ailleurs ».
Un livre qui touche, j’ai lu beaucoup de choses sur l’écriture de Annie Ernaux et sa soi disant froideur et distance, mais pour moi, c’est plus de la pudeur et de la protection. Et même si elle garde une distance face à ses parents, elle en parle ici comme elle en parle dans La place, sans hypocrisie aucune et avec une honnêteté rare et pas évidente à assumer. Elle met des mots sur une réalité ressentie par beaucoup (la distance qui se crée entre les générations, le refus d’accomplir la route tracée) mais peut être non assumée.
Elle me touche car son histoire me fait penser à l’histoire de mes parents, qui sans devenir artistes ont refusé le destin de leur parents, ils ont fait comme Annie Ernaux, ils sont partis ailleurs.
Et les images en noir et blanc de l’épicerie du livre me touchent car elles viennent de Normandie, d’où je tiens la moitié de mes racines.
Mais au delà du fait que cette histoire me parle aussi de la mienne, la force de ce texte de Annie Ernaux c’est de montrer le poids des liens familiaux et des racines. Elle dit que si elle est ce qu’elle est aujourd’hui, c’est parce qu’elle a vécu cette histoire, qu’elle a eu cette sœur et ces parents là. Elle rend ainsi hommage à cette famille.
Un grand merci à Asphodèle d’avoir partagé avec moi ce texte fort. Son avis ici
Les avis de Clara et d’Antigone
Présentation de la collection Les affranchis : Quand tout a été dit sans qu’il soit possible de tourner la page, écrire à l’autre devient la seule issue. Mais passer à l’acte est risqué. Ainsi, après avoir rédigé sa Lettre au père, Kafka avait préféré la ranger dans un tiroir.
Ecrire une lettre, une seule, c’est s’offrir la point final, s’affranchir d’une vieille histoire.
La collection « Les Affranchis » fait donc cette demande à ses auteurs : « Ecrivez la lettre que vous n’avez jamais écrite. »