Aujourd'hui, comme on ne change pas une équipe qui gagne, je vous propose à nouveau une citation extraite de L'Insoutenable légèreté de l'être dont je vous reparlerai plus en détails samedi. En fait, j'avoue que j'ai eu tellement de mal à choisir une seule citation pour ma chronique que j'ai décidé d'en partager d'autres, et encore, j'ai eu du mal à choisir. Cette semaine, j'ai élu ce passage sur les hommes à femmes, les séducteurs, les dom Juan et autres Casanova. Je trouve cette réflexion de Kundera sur ces hommes qui ne peuvent pas exister sans le regard des femmes, qui ont besoin de se rassurer en séduisant sans cesse, extrêmement juste (et parfaitement en phase avec ma propre expérience des énèrgumènes en question).
Les hommes qui poursuivent une multitude de femmes peuvent aisément se répartir en deux catégories. Les une cherchent chez toutes les femmes leur propre rêve, leur idée subjective de la femme. Les autres sont mus par le désir de s'emparer de l'infinie diversité du monde féminin objectif.
L'obsession des premiers est une obsession romantique : ce qu'ils cherchent chez les femmes, c'est eux-mêmes, c'est leur idéal, et ils sont toujours et continuellement déçus parce que l'idéal, comme nous le savons, c'est ce qu'il n'est jamais possible de trouver. Comme la déception qui les pousse de femme en femme donne à leur inconstance une sorte d'excuse mélodramatique, bien des dames sentimentales trouvent émouvante leur opiniâtre polygamie.
L'autre obsession est une obsession libertine, et les femmes n'y voient rien d'émouvant : du fait que l'homme ne projette pas sur les femmes un idéal subjectif, tout l'intéresse et rien ne peut le décevoir. Et précisément cette inaptitude à la déception a en soi quelque chose de scandaleux. Aux yeux du monde, l'obsession du baiseur libertin est sans rémission (parce qu'elle n'est pas rachetée par la déception).
Par souci de parité, je tiens à ajouter que la corollaire féminine existe également...
Les autres participants sont chez Chiffonnette