En général, quand on pense à Gatsby, la silhouette de Robert Redford vient à l’esprit. Parce qu’il est celui qui a incarné Gatsby dans sa version cinématographique la plus célèbre, probablement. Parce que Redford fait partie de ces acteurs possédant cette présence mystérieuse et fascinante qui sied à Gatsby, aussi. Pourtant le film de 1974 de Jack Clayton n’a jamais vraiment été adulé ou considéré comme la transposition ultime de l’œuvre de Fitzgerald. Ce travail-là reste à faire, s’il doit jamais l’être, à ce qu’il paraît. Le débat de porter à l’écran les chefs-d’œuvre littéraires est un débat à part, et un débat qui nécessite assurément d’être pris au cas par cas. N’ayant jamais vu de Gatsby le magnifique sur grand écran, je me pose la question de refaire le roman de Fitzgerald sur grand écran avec les yeux vierges du passé cinématographique du roman.
Et si j’aborde la question c’est bien sûr parce que Gatsby le magnifique devrait prochainement reprendre vie au cinéma, dans les mois à venir. Le projet, d’envergure, est sur les tablettes d’un Baz Luhrmann qui n’a rien signé depuis un Australia qui a laissé un sentiment tiédasse à bon nombre de spectateurs. La première question qui se pose est bien sûr de savoir si Luhrmann (et sa caméra virevoltante) est l’homme de la situation. Le magnétique Gatsby a-t-il besoin de la mise en scène envolée du cinéaste australien ? L’idée peut être séduisante, de ne pas rendre une transposition trop sage de l’œuvre de Fitzgerald, de donner à cette demeure toute en lumière nocturne le faste festif auquel Luhrmann saurait certainement rendre honneur. Il y a également cette passion au cœur des films de Luhrmann, une passion certainement plus expressive et fantasque chez Luhrmann que chez Fitzgerald, et il serait certainement intéressant de voir l’australien se frotter à la passion selon F. Scott.
Malgré tout ce potentiel pourtant, Gatsby le Magnifique selon Baz Luhrmann affiche un point noir non négligeable. Le réalisateur veut faire le film en 3D. Une idée aussi étonnante que grotesque. Voilà un an et demi qu’Avatar a modifié le paysage cinématographique et aidé à malencontreusement démocratiser l’usage de la 3D, et si jusqu’à présent l’influence de la technique se limitait à l’animation et au fantastique essentiellement, elle déborde désormais vers des genres moins spécifiques. Et en l’occurrence, Gatsby le Magnifique, un drame romantique se déroulant dans l’Amérique bourgeoise de la première moitié du 20ème siècle. On est loin des aliens, des justiciers et des piranhas. Malheureusement en un an et demi, la 3D ne m’a pas convaincu qu’il s’agissait d’une révolution qui méritait de s’installer durablement et globalement dans le cinéma du 21ème siècle. Aucun film ne m’a persuadé qu’il s’agit d’autre chose que d’un gadget qui perturbe, voire gâche un film plus qu’autre chose. Je veux bien de la 3D, mais à toute petite dose, très occasionnellement, et non à tout bout de champ, pour tous les films d’animation, pour tous les films fantastiques, et en plus maintenant pour des longs-métrages comme une nouvelle adaptation de Gatsby le Magnifique.