30 mars 2011
J'ai planché sur le très complet Imray de Nigel Calder concernant Cuba. Comme souvent dans les préparatifs de nav en dehors des sentiers battus, j'oscille entre stress et excitation. Voyons donc. Peu de monde s'y aventure, Cuba est immense, la paperasserie pénible, les mouillages innombrables mais difficiles, logés le plus souvent au creux de reefs piègeux aux passes étroites où « deep water » signifie 3 mètres. Je prends des notes, repère tandis qu'un agréable frisson me parcourt, celui-là même que je ressentais en planifiant les Bijagos l'année
Je suis content de reprendre la mer. Nikko aussi même si il est un peu flou au départ. Après une première journée mollassone, nous alignons trois belles journées rapides à plus / moins 180 milles. Grand largue, assez confort pour peu que l'on prenne bien ses appuis dans les accélérations à8 -10 noeuds. Nos quarts sont bizarres. Je donne toujours le choix à mes équipiers. Nikko fait souvent la première partie de nuit jusqu'à minuit, moi la seconde jusqu'à 4h que je prolonge en général car des grains nocturnes cassent le rythme et je préfère gérer l'incessant
Si je me suis mis à la cartographie electronique en côtière, sur les longues tirées océaniques, je n'en vois pas l'intérêt. PC rangé, j'ai ressorti la routière papier Antillles qui m'avait servi à convoyer le canot en France depuis Panama en 2008 et croise avec une certaine émotion ma route tracée au crayon à papier vers le windward passage d'il y a 3 ans. Depuis que nous avons dépassé la pointe ouest d'Hispaniola, le vent a molli pour disparaître complètement au fur et à mesure que nous nous rapprochons de la Jamaïque. 10h de moteur d'affilée jusqu'au soir où un filet d'air permet de remettre toute la toile pour une nuit magique à filer 6 noeuds sur une mer glassy. Dès le matin suivant, même punition pour plus de 24h cette fois-ci. La mer est un miroir. Nous sommes encore à plus de 250
A l'approche de la terre, un régime de thermiques s'établit. Voile à nouveau. J'observe et recoupe avec les indications météo de L'Imray. Aborder une nouvelle zone de navigation et ses spécificités suppose de travailler un peu, être à l'affut afin de « sentir » les éléments pour planifier au mieux la suite des évènements. Huitième et dernier jour, je tergiverse un moment entre Trinidad et Cienfuegos, sachant que je veux arriver de jour, le matin, pour atterir confortablement mais surtout pour faire les formalités sans perdre trop de temps. On reste finalement calés sur Cienfuegos et on sous toile afin
Santé, ministère de l'intérieur, capitainerie, immigration, douanes. Une dizaine de personnes et un chien se succèdent à bord entre 10h et et 15h. Je remplis et signe des dizaines de formulaires similaires. Ça peut paraître rebutant décrit ainsi mais c'est au contraire plutôt plaisant. Chaque fonctionnaire est délicieux, offre de se déchausser avant de monter à bord, insiste pour que je suive les fouilles pour m'assurer que tout reste en place, remercient quand je leur offre un reste de paquet de bonbons épargné par mes fistons. Nous sympathisons à chaque fois. Nikko et moi sommes ébahis par tant de prévenance. Quel contraste après ces tes de cons de guadeloupéens! On est creuvés mais l'excitation nous sustente.
Un premier tour rapide aux alentours donne le la: sourires, musique, filles superbes, metissage sur toute la gamme de couleurs, vieilles américaines figées dans les années 50, daiquiris et mojitos scientifiquement dosés, le tout dans en environnement naturel et
A Cienfuegos, la voirie est nickel, les rues animées, les somptueux bâtiments coloniaux dans un état de décrépitude tout à fait raisonnable. Mais même hors circuit balisé pour touristes en voyage organisé, la vie est chère ainsi que nous nous en rendons rapidement compte.Quand une bouffe à une dizaine de CUC
Les boutiques ne sont pas si mal achalandées, mais impossible
Pas d'angélisme hâtif non plus. On est quand même dans un état policier. Je l'expérimente dès le deuxième soir alors que je discute avec deux gazelles sur le Marecon et que Nikko est rentré au bateau. Une Lada sport pile sur la chaussée, trois policiers en descendent pour un contrôle d'identité. Elles sont probablement un peu trop jolies et donc suspectes de trainer avec un gringo mais elles ont leur papiers et ne sont pas inquiétées. Comme d'habitude, moi je ne les ai pas. Je propose d'aller les chercher avec eux sur le bateau, la marina est à peine 100 mètres mais ma suggestion fait un flop. Le véhicule fait demi-tour en direction du centre et du poste de police. Je ne stresse pas car les policiers sont très courtois, rien à voir avec les demeurés aggressifs qui officient en Sarkoland. On ne me jette pas en tôle, me laisse même seul sans surveillance à côté de la sortie. Ça dure longtemps. Je finis par m'allonger sur leur incomfortables sièges en plastique pour un petit somme. Parfois, des flics curieux se succedent pour discuter avec « el marinero frances ». Qu'est ce qu'on attend? Mystère impénétrable qui durera deux bonnes heures jusqu'à ce qu'on m'invite à reprendre place dans la même Lada pour me raccompagner à la Marina et y vérifier mes papiers. On me salue. Terminé. Un peu kafaien mais finalement utile car effectivement, la prudence est quand même de mise dans ce pays dès qu'on s'écarte un peu de la ligne.
Nikko et moi nous plaisons vraiment beaucoup à Cienfuegos. Mais il y a tant à faire d'ici la Havane que le temps est compté. Et puis le problème, c'est qu'il est difficile de ne pas sortir chaque soir, de ne pas se faire embarquer dans un traquenard. Le lundi, je prolonge finalement ma nuit commencée au poste dans un club bondé et caliente. Chaque nuit, la fête se translate d'un endroit à un autre. Le mardi, après un début de soirée en ville, Nikko et moi retombons sur l'unique taxi qui roule encore après 23h, celui-là même que j'ai pris la veille: junior, 28 ans, impérial et classieux à souhait, dans sa belle Chevrolet ronronnante. Je rentrerai bien pour être frais demain matin mais Nikko en veut sa part et Junior nous emmène au spot festif du mardi soir. Rebelotte, ça se dandine de partout, on retrouve des cubains / cubaines rencontrés les deux jours précédents. C'est reparti. Et c'est apparement ainsi chaque nuit 7 jours sur 7....