Pendant toute la durée des rejets atmosphériques de la centrale de Fukushima-Daiichi et jusqu’à
dissipation complète du panache radioactif provoqué par l’accident, une partie des radionucléides
(sous formes d’aérosols ou de gaz solubles dans l’eau) se sont déposés au sol, selon deux processus
complémentaires (figure 1 ci-après) :
- le dépôt sec, qui se forme sur toutes les surfaces au sol au contact des particules
radioactives de l’air. Il est d’autant plus important que la concentration des radionucléides
dans l’air est élevée et que la pollution de l’air se prolonge dans le temps ;
- le dépôt humide qui se forme uniquement si des précipitations pluvieuses ou neigeuses ont
lieu. Il peut être beaucoup plus important que le dépôt sec formé au même endroit, car les
gouttes de pluie ou les flocons concentrent les particules radioactives de l’air et les
ramènent au sol. Une partie de ce dépôt humide reste sur place, là où il s’est formé, mais
une autre partie peut ruisseler en surface et rejoindre les cours d’eau.
Dépôts secs
Dépôts humides
Figure 1 Schéma illustrant la formation des dépôts secs et humides lors de la dispersion
atmosphérique de rejets radioactifs.
L’IRSN publie une estimation des doses reçues au Japon
par irradiation externe due aux dépôts radioactifs
provoqués par l’accident de la centrale
de Fukushima-Daiichi
12 avril 2011
L’IRSN fait le point sur les informations dont il dispose sur les dépôts radioactifs formés dans
l’environnement de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi et leurs conséquences
dosimétriques pour la population vivant dans les territoires contaminés.
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La répartition géographique des dépôts autour de la centrale de Fukushima-Daiichi est hétérogène
et complexe. Elle dépend à la fois des trajectoires successives du panache radioactif formé par les
rejets de la centrale qui ont eu lieu pendant plusieurs jours, principalement entre le 12 et 25 mars,
ainsi que de la localisation et de l’importance des précipitations à ce moment là. Ainsi,
l’importance du dépôt n’est pas uniquement fonction de la distance du site nucléaire mais elle
dépend aussi du relief et du lieu où ont eu lieu ces précipitations pendant les rejets. Il peut alors se
former des « taches de dépôt radioactif », même à une certaine distance du site.
2. DE QUOI SONT CONSTITUES LES DEPOTS RADIOACTIFS DANS
L’ENVIRONNEMENT DE LA CENTRALE DE FUKUSHIMA-DAIICHI ?
Les dépôts radioactifs sont constitués de radionucléides présents dans l’air sous forme de fines
particules (aérosols) ou de gaz solubles dans l’eau (iode). Il s’agit principalement :
• d’iode radioactif (iode 131, iode 132) ;
• de césium radioactif (césium 137, césium 134 et césium 136) ;
• de tellure 132, dont la désintégration radioactive produit l’iode 132 évoqué ci-dessus ;
• du baryum 140, dont la désintégration radioactive produit du lanthane 140 également
radioactif.
Ces radionucléides émettent des rayonnements gamma qui contribuent à l’augmentation du débit
de dose ambiant. Cette augmentation a été graduelle, en fonction des épisodes de rejets successifs
et des conditions de dépôt, comme l’illustre le graphique ci-après pour le débit de dose ambiant
mesuré à Ibaraki.
0
0,5
1,0
1,5
μSv/h
Date
13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 01 02
Mars Avril
Mesure du débit de dose ambiant (en
microsievert par heure) à Ibaraki (Mito)
1
2
3
4
5
Figure 2 Évolution du débit de dose ambiant mesuré à Ibaraki-Mito (140 km au sud de la
centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi) entre le 13 mars et le 2 avril 2011. Les différentes
étapes numérotées sont commentées dans le texte.
Ce graphique montre plusieurs étapes dans l’évolution du débit de dose :
1) avant le 15 mars, le débit de dose (0,05 μSv/h environ) est caractéristique du bruit de fond
permanent d’origine naturelle ;
2) les 15 et 16 mars, les pics de débit de dose mesuré, atteignant jusqu’à 1,5 μSv/h, sont la
conséquence du rayonnement gamma émis par le panache radioactif qui se disperse à
Ibaraki ;
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3) à partir du 17 mars, le débit de dose est régulier, à un niveau (0,2 μSv/h) plus important
que celui du 14 mars. Il correspond au rayonnement émis par le dépôt radioactif qui s’est
formé lors de l’épisode de pollution radioactive de l’air des 15 et 16 mars. La persistance de
ce dépôt explique le maintien du débit de dose à ce niveau plus élevé ; toutefois, on
observe une lente décroissance au cours du temps, correspondant à la disparition
progressive des radionucléides à vie courte (tellure 132, iode 132, iode 131…) ;
4) du 20 au 23 mars, des pics de faible amplitude correspondent à une nouvelle dispersion
atmosphérique de radionucléides rejetés par la centrale de Fukushima, sur le secteur
d’Ibaraki. Bien que moins importantes que celles observées le 15 mars, ces élévations de la
pollution radioactive de l’air entraînent à nouveau une augmentation du débit de dose
ambiant permanent (environ 0,3 μSv/h), conséquence du cumul d’un nouveau dépôt formé
notamment par les pluies qui tombaient au cours de cette période ;
5) à partir du 24 mars, le débit de dose ambiant devient régulier et décroissant
progressivement, signe de l’influence pratiquement exclusive du dépôt radioactif
persistant.
Des séquences similaires, d’un point de vue qualitatif, ont pu se produire sur l’ensemble des
territoires plus ou moins fortement touchés par les panaches radioactifs formés lors des rejets
successifs de la centrale de Fukushima-Daiichi. Selon le lieu, l’essentiel des dépôts radioactifs a dû
se produire entre le 12 et le 21 mars 2011.
3. CONSEQUENCES DES DEPOTS RADIOACTIFS SUR LES PERSONNES
EXPOSEES
Dès que le dépôt s’est formé, c'est-à-dire entre le 12 et le 21 mars selon le lieu au Japon, les
personnes résidents sur les territoires concernés ont un risque d’exposition selon deux voies
principales (figure 3) : la contamination interne par ingestion de denrées issues de cultures locales,
principalement les légumes à feuilles et le lait frais ; l’exposition externe au rayonnement émis par
le dépôt. Secondairement, il existe un risque d’ingestion involontaire de particules radioactives non
fixées sur les surfaces (dépôt labile).
Figure 3 Voies d’exposition aux dépôts radioactifs persistant dans l’environnement après
un rejet atmosphérique accidentel.
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A partir des résultats de mesures du débit de dose effectuées il y a quelques jours par un aéronef
américain (DOE/NNSA), l’IRSN a évalué la dose susceptible d’être reçue pendant la première année
par la population locale en raison de l’irradiation externe due à l’exposition aux radionucléides
d’ores et déjà déposés sur le sol. Pour effectuer cette évaluation, la décroissance du débit de dose
mesuré par l’aéronef américain au cours du temps a été estimée en calculant, à l’aide de la
modélisation du rejet radioactif réalisée par l’IRSN, les différents types d’éléments radioactifs
rejetés et leurs répartitions respectives au cours du temps. La dose reçue par une personne située
toute l’année dans la zone est ensuite calculée en intégrant heure par heure le débit de dose sur
l’ensemble de l’année. A l’aide d’un coefficient de pondération, un effet de protection radiologique
des habitations pendant 50% du temps a été considéré.
Les valeurs estimées sont présentées dans la carte ci-après. Ces estimations ne tiennent pas
compte des doses susceptibles d’être reçues par contamination interne résultant de la
consommation de denrées produites localement, qui vient s’ajouter aux précédentes. Ces
premières estimations de dose, fournies ici à titre indicatif, devront encore être précisées par la
suite en fonction des nouveaux résultats de mesure disponibles.
Figure 4 Carte des débits de dose émis par les dépôts radioactifs dans l’environnement de
la centrale de Fukushima-Daiichi et estimation des doses susceptibles d’être reçues par
irradiation au bout de la première année.
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Cette carte met en évidence une bande orientée vers le nord-ouest, de quelques dizaines de
kilomètres de long, où les dépôts semblent avoir été nettement plus importants qu’ailleurs, sans
doute à cause de la pluie ou de la neige qui est tombée sur cette zone au moment de la dispersion
du panache radioactif.
A titre de comparaison, la dose corps entier reçue annuellement par les français est en moyenne de
3,7 mSv, résultant essentiellement de l’exposition à la radioactivité naturelle ou à usage médical.
Compte tenu de la présence prépondérante de radionucléides de période radioactive courte
(quelques jours), l’essentiel des doses dues à l’irradiation externe par le dépôt est reçu au cours
des premières semaines suivant la formation du dépôt. Comme le montre le graphique de la figure
2, le débit de dose ambiant dû au dépôt radioactif diminue régulièrement en quelques semaines ;
dans quelques mois, ce sont principalement les césiums 137 et 134 qui contribueront au
rayonnement ambiant, à un niveau plus faible qu’aujourd’hui.