Klaus Mann était un intellectuel allemand de la première moitié du XX° siècle. Fils de l’écrivain Thomas Mann et neveu de l’antifasciste Heinrich Mann, écrivain lui aussi, l’aura de Klaus Mannpâtira de cette ascendance glorieuse. Il est pourtant l’auteur de textes marquants (romans, nouvelles, essais…) dont Méphisto (adapté au cinéma par Istvan Szabo), Speed, Contre la barbarie…
Klaus Mann relaya abondement les idées de Richard Nikolaus von Coudenhove-Kalergi, l'un des premiers à avoir proposé un projet moderne d'Europe unie. Il s’était engagé très tôt pour défendre cette idée.
« L’Europe unie naîtra, que ce soit aujourd’hui ou demain - : si nous le voulons. La libération sociale viendra, grâce à la technique - : si nous le voulons. » (p. 44) écrivait Klaus Mann en 1927.
L’acuité de ses analyses de la situation politique en Allemagne et dans le reste de l’Europe pendant l’entre-deux-guerres explique l’inimitié dont il fut victime dans son pays. Il dut d’ailleurs quitter l’Allemagne nazi dès 1933 et se réfugia en France puis aux États-Unis.
« Viendra finalement le temps du rapprochement fédéraliste des Etats, mouvement irrésistible qui mettra fin au gaspillage que constitue le repli sur soi des cultures, et qui donnera sens à l’idée du « prochain ». » (p. 46) – KM – 1927.
Admirateur de la culture française et de ses auteurs, il écrivit de nombreuses critiques et éloges. Il appréciait particulièrement André Gide et contribua notamment à faire connaitre des auteurs comme René Crevel, Raymond Radiguet outre-Rhin. Son admiration n’était pas exempte de lucidité, ses analyses instructives et contextualisées, tant des hommes que des mouvements d’idées, se révèlent dans les nombreux textes présentés dans cet ouvrage dans un ordre chronologique. Parmi les hommes citons aussi Jean Cocteau, André Maurois, Alain-Fournier, Jean Giono, Julien Green, Jean Giraudoux, Henri Barbusse, Jean Desbordes… quant aux idées ce pouvait être les mouvements littéraires du XIX° siècle, les mouvements idéologiques et politiques tels que marxisme, fascisme, nationalisme qui en côtoyaient d’autres plus multiformes comme le surréalisme (dont il écrivit que « [l]eur rapport à la politique relève davantage de la passion que d’un militantisme expert. » - p. 59) ou les mouvements de jeunesse ou d’écrivains…
Qui est Klaus Mann ? par editionslibella
Ses analyses littéraires ne pouvaient se départir de sa vision d’une Europe unie. Il ne pensait cette utopie réalisable que grâce à l’ossature indéfectible représentée par l’amitié franco-allemande. Son point de vue était aussi fortement influencé par une religiosité affirmée mais raisonnable. Son catholicisme était construit sur la base des idées philosophiques et ne l’empêchait pas de concevoir et d’accepter des points de vue divergents ou différents. Si René Crevel avait la religion en horreur, ce n’était pas suffisant pour amoindrir l’admiration que lui portait Klaus Mann
« Viendra finalement le temps de la reconstruction de l’Eglise – institution éducative et thérapeutique centrée sur la métaphysique – donnant une nouvelle vision de l’intime, du silence, de l’aspect irrationnel de la vie humaine. » (p. 46) – KM – 1927.
L’engagement de Coudenhove-Kalergi contre le marxisme est habilement critiqué (notamment l’idée d’un nationalisme européen exclusif et ressemblant au nationalisme exacerbé des nazis) et renforce son argumentaire pour les idées paneuropéennes.
Klaus Mann écrivait à New-York, en 1936 : « Le pays de Goethe et le pays de Voltaire se trouveront : ceci n’est pas une vague utopie, mais un espoir, un souhait, fondés sur des raisons indiscutables, et qui doit donc se réaliser un jour ou l’autre… Une chose est sûre : l’avenir de l’Europe est là, ou il ne sera pas. » (p. 183). Il se voyait aussi rassurant, quant en plein cœur du conflit en 1943, il déclarait : « [l’Europe] ne deviendra pas une province russe ou un musée pour touristes américains. » (p. 226).
Malgré son attachement viscéral à cette idée, malgré son engagement dans l’armée américaine pour libérer le vieux continent, les années d’après guerre auront raison d’un homme fragile (Klaus Mann était homosexuel et dépendant des drogues) qui ne sut trouver sa place au cœur d’une Europe alors en gestation. Il se suicidait à Cannes en 1949.
Klaus Mann reste cependant, un auteur, un penseur capital à découvrir aujourd’hui… et demain.
Le site des éditions Phébus. Les billets de Pierre Assouline et de Marc Leprêtre.
Aujourd’hui et demain - L’esprit européen 1925 - 1949
Klaus Mann, Phébus, collection Domaine étranger, 2011 - 23.00 €