Après Philibert passons à un sujet beaucoup plus sérieux qui m'a amenée à me poser beaucoup de question sur le cinéma, son rôle et son caractère accessible ou non.
Cette semaine l'Institut Lumière organisait avec Regard Sud la 11ème édition de Fenêtre sur le cinéma du sud traitant des différents aspects du cinéma et des réalités du monde arabe contemporain. J'ai décidé d'aller voir Port of Memory, sorte de documentaire fiction qui traite sur la situation de palestiniens en Israël.
Kamal Aljafari originaire de Ramallah en Palestine suit avec sa caméra les membres de sa famille (les personnages principaux étant interprétés par son oncle et sa tante) après qu'ils aient reçu l'ordre d'évacuer leur maison à Jaffa, sans moyen concret pour se défendre. Le réalisateur dans son premier long-métrage, mais auparavant récompensé pour des moyens et courts métrage (Visit Irak, The Roof) exploite une partie de la situation des israëliens en Palestine de façon esthétique et poétique.
Cependant, malgré une esthétique clairement maitrisée ce long-métrage est très difficilement accessible au grand public. Essentiellement composé de longs-silences, de plans larges défilants sur des maisons de Jaffa ce cinéma est comme un long crie silencieux, très difficilement compréhensible par un spectateur lambda et encore plus par un non cinéphile... Si je me permet une telle affirmation c'est parce qu'en tant que spectatrice ne possédant que peu de connaissances sur la situation des palestiniens notamment en Israël, plus de la moitié du film m'aurait échappée si la projection n'avait pas été suivie de l'intervention de la productrice. Et aux vues du débat que la projection a provoqué je n'étais pas la seule.
Ce film porte clairement sur un sujet créant la polémique mais ne cherche pas à faire directement du militantisme. En effet, il montre une facette de la désuétude des palestiniens, de leur situation en Israël avec pudeur et parfois retenu... Pourtant Kamal Aljafari a décidé d'exploiter la solitude de cette famille face à son expropriation, un crie résonnant dans le silence auquel seul des échos lui répondent, un choix qui n'est pas sans conséquences. Les actions sont rares et on ne perçoit que cette solitude pesante face à leur sort, de l'incompréhension et de la colère souvent contenue qui s'exprimer par des regards et des gestes. L'esthétisme comme je l'ai dis précédemment est extrêmement mis en avant par rapport à la situation réelle, les rues et maisons de Jaffa sont vides comme pour accentuer cette situation de malaise incompréhensible sans des notions politiques et culturels que le spectateur n'a pas forcément.
Le but du réalisateur est difficilement saisissable. Fait-il de l'Art pour de l'Art réservé à un public averti voire érudit sur un sujet lui tenant à cœur ? Cherche-t-il à provoquer chez ce spectateur avertis de l'indignation par son cinéma esthétique, silencieux mais touchant dans le but de faire de lui un militant ? Pour moi ici, le réalisateur reste essentiellement sur le terrain de l'artistique, les émotions étant réservées à un public spécifique à travers un cinéma difficilement accessible au grand public de par sa distribution mais surtout de par sa forme et son exploitation. Je suis bien d'accord que le cinéma est peut-être avant tout un Art à part entière mais quelque chose me gène dans l'exploitation d'un sujet si sensible pour un usage uniquement artistique. Bien sûr si l'on veut en savoir plus chacun peut faire des recherches, voir de"vrais" documentaires, mais dans ce cas-ci pourquoi classer ce long-métrage dans la catégorie documentaire et pourquoi réserver ce type de sujets à si peu de personnes ?
Pourtant, au final je me demande si le réalisateur n'a pas réussi son coup puisque je me sens désormais révoltée d'en savoir si peu, révoltée face à cette expropriation non seulement de bien mais aussi de nationalité, cette identité étouffée d'un peuple sans nation me retourne désormais les tripes. Pourtant il est clair que sans la productrice je serai passer à côté de plein de détails du film et qu'il ne m'aurait sans doute laissée qu'un sentiment d'incompréhension voire d'ennuie... Est-ce donc vraiment par pudeur que Kamal Aljafari en dit et en montre si peu, pour laisser uniquement s'informer les personnes réellement intéressées ? Est-ce qu'un cinéaste n'a-t-il pas un devoir de militantisme et d'information ou peut-il faire uniquement de l'esthétique sur n'importe quel sujet ?
A suivre.