Magazine
Qu’est-il arrivé (ou pas) pour que je trouve suspect le sourire le plus désarmant et naturel qu’il m’ait été donné de croiser depuis quelques lunes. Non non, je n’ai pas viré mystique. Ce n’est pas la première fois que je rends visite à la poste de la rue Daguerre. Certes, elle ressemble à toutes ces nouvelles officines d’un service public qu’on dit moribond parce que notamment "rationalisé". La première fois, c’était pour un renseignement. Je ne m’étais pas avancé au guichet indiqué qu’une âme charitable m’avait attiré à sa guérite de conseillère financière. Je n’avais pas besoin de son conseil financier or elle m’a renseigné et adressé un aimable : « vous allez vous plaire dans ce quartier. » Je n’en revenais pas et j’y suis revenu.
Sans transition. Et saut de ligne.
Qu’est-il arrivé (ou pas) pour qu’une main invisible glisse dans ma boîte à lettres un hebdomadaire auquel je ne m'étais pas abonné ? Je cherchais l’étiquette me signalant le réel destinataire et j’aurais glissé à mon tour ledit magazine dans la bonne boîte. Que nenni. Je bénéficiais du portage à domicile par l’opération du Saint-Esprit. Et là vous vous inquiétez à nouveau. A juste titre. L’anticlérical sommaire que vous aviez deviné en moi ne peut inévitablement causer saint-esprit (revenons aux minuscules, voulez-vous) sans le gratiner d’ironie dégoulinante.
Bref.
Le brin de jugeote qu’il me reste m’a vite ramené sur terre : on cherche à me dépouiller du montant d’un abonnement en me graissant honteusement la patte. Où c’que j’en étais, hein ?
Aux sourires des préposés de la poste de la rue Daguerre. Ce matin donc, presque en bras de chemise, j’emporte un colis aux bons soins de ma postière ou guichetière ou préposée ou c’que-vous-voudrez. La même dame d’il y a deux mois m’invite au guichet de sa tendre collègue, m’informant au passage que mes minuscules timbres verts avaient pris de la valeur. A raison de 5 centimes gagnés par timbre, je m’enrichissais subitement de 15 centimes. Mazette ! L’inflation a du bon. Si tous nos bas de laines étaient remplis de timbres exempts de tarifs, nous guetterions les augmentations annuelles pour nous rouler dans nos baignoires emplies d’or. Mais je m’égare Edgar. [Lisez « La voie » d’Edgar Morin.] Non seulement j’apprends que je suis riche de 15 centimes mais qu’il existe des timbres à la fraise. Oui oui, me dit la conseillère financière, même qu’ils sentent la fraise. Dingue ! Je m’empresse d’acheter deux timbres fraises gariguettes. Deux « fraises Rubis » dessinées par Alfred Riocreux (1820-1912), imprimées recto verso, gaufrées et parfumées à la fraise. La tendre collègue les enduit de sa postale salive et, l’œil pétillant, me gratifie d’un « bonne journée » et d’un authentique et chaleureux sourire. Que j'accuse et recommande.
Post scriptum : Le timbre collector est tiré à 80 000 exemplaires et imprimé avec des encres végétales sur du papier recyclé. (Source : Sud-Ouest). Ainsi pour répondre à Joss (cf. commentaires), le timbre n'est pas AOC mais écolo. Paraît-il, car je n'ai pas fourré mon nez dans les usines de fabrication. Mais 1 emballage plastique scellé pour chaque timbre, j'ai vu mieux en matière écologique. Mais je dis ça pour critiquer bêtement.