Juste un mot pour signaler que ce blogue a maintenant quatre ans. C’est en effet le 04.04.07 qu’est parue la première note. Que dire ? Rien de spécial, si ce n’est que le temps continue à avancer et à grignoter tout ce qui l’entoure. Quatre ans, ce n’est rien et en même temps c’est beaucoup. Si on regarde derrière soi, on se dit quand même qu’on n’a pas fait grand chose durant cette période. Rien de fondamental, je veux dire. On n’a pas changé le monde. On a râlé un peu ici et là sur tout ce qui n’allait pas dans cette société dans laquelle nous vivons. Il y avait d’ailleurs beaucoup à dire. Et puis quoi ? Cela a fait du bien de râler, de voir qu’on n’était pas le seul à penser de la sorte. Mais après ? Alors on s’est tourné vers les livres et la littérature. On a un peu écrit. Quelques poèmes et puis «Obscurité», qui fut une belle expérience. Et puis après ? Après rien. Je n’ai pas remplacé Sarkozy à l’Elysée pour pouvoir peser sur le cours des choses et je n’ai pas écrit une œuvre fondamentale qui justifierait un prix Nobel de littérature. Je ne suis même pas publié. Alors ?
Le monde va toujours aussi mal et même cette belle promesse de la révolution des peuples arabes me semble se transformer petit à petit en simple révolte. Ou en tout cas on fera tout pour en limiter la portée. Le pouvoir fera quelques concessions, apportera quelques arrangements à la Constitution, remplacera deux ou trois hommes (un dictateur pas un président, un président par un dictateur, un corrompu par un autre corrompu) et puis voilà. La vie reprendra son cours et on oubliera les centaines de morts, qui seront donc morts pour rien.
En Europe, nous ne voyons même pas le moindre souffle de changement. Tout le monde reste amorphe et accepte sans broncher la prise de pouvoir du capitalisme économique. Chacun se replie sur soi et tente de conserver son petit confort. Tant qu’on a encore de quoi se nourrir et se loger, c’est déjà bien. Et puis de quoi acheter tous ces gadgets inutiles dont la publicité nous vante les mérites, c’est ce qui compte. Alors les privatisations systématiques, le démantèlement du pouvoir étatique, la remise en question du système de sécurité sociale, la précarisation de l’emploi, l’augmentation de l’âge de la retraite, la pauvreté galopante, la crise économique qui touche tout le monde sauf le grand capital (qui ne s’est jamais aussi bien porté), qu’est-ce qu’on s’en moque, n’est-ce pas ? Pour se rassurer, on se dit qu’il y a toujours plus mal loti que soi.
Que faudrait-il faire ? Comment agir pour arrêter cette machine infernale, cette société de l’argent et de la technique, qui nous écrase chaque jour un peu plus ? L’accident nucléaire au Japon est pourtant un signe d’avertissement… Il semble impossible, en fait, que des individus isolés puissent agir sur le cours des choses. Alors chacun se résigne.
C’est sans doute cela, un blogue. Pouvoir dire ce que l’on pense et donner à voir à d’autres la manière dont on perçoit les choses. Cela permet au moins de montrer qu’on n’est pas dupe et qu’il y a au fond de nous une toute petite étincelle (qui est certainement notre personnalité, ce que nous avons de spécifique et d’unique) qui brille et qui ose s’affirmer. C’est déjà beaucoup. Cela fait du bien. Cela donne l’impression d’exister. Mais cela ne sert encore à rien.
Le problème, en fait, c’est la dichotomie qui existe entre l’individu, ce qu’il est vraiment, et le monde dans lequel il doit vivre et auquel il lui faut bien s’accommoder.
En attendant le temps passe, comme je le disais plus haut, les années défilent et on se dit qu’on n’a qu’une vie et qu’il devient urgent d’en faire quelque chose. Et comme modifier la marche du monde semble une illusion, une perte d’énergie vouée à l’échec (mais peut-on se résigner et accepter ? Non, ce serait une fuite), on se replie un peu sur soi-même, sur ses lectures, ses petits poèmes, ses courtes nouvelles. Et on les publie ici, en se disant que certains passeront et comprendront ce qu’on a voulu dire. On aura ainsi un public, des lecteurs, lesquels, très souvent, tiennent eux-mêmes un site où ils écrivent pour les mêmes raisons : tenter d’exprimer ce qu’ils sont, qui ils sont. Tout cela ressemble un peu à un cri de désespoir dans le grand silence qui nous entoure. Le vide abyssal de Pascal n’est pas loin. Car finalement, qu’est-ce qu’un être humain ? « Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout. »