Deux jours avant la conférence de presse officielle, je connais déjà le nom du lauréat de la Palme d'or. Intrigué ? Bon, il ne s'agit pas de la Palme 2011, mais d'une Palme d'honneur, qui sera attribuée à Bernardo Bertolucci lors de la cérémonie d'ouverture - sauf erreur, et à l'exception de la Palme des Palmes, les Palmes honorifiques (beaucoup de palmes dans cette phrase) ont plutôt été attribuées dans l'intimité du siège parisien du Festival : c'était le cas pour Eastwood en 2009, peut-être Woody Allen en 2002. Bernardo Bertolucci n'a pas volé sa récompense, mais le cinéaste septuagénaire n'est pas pour autant un « santon » (selon l'expression méchante qu'utilisait Moretti jadis pour désigner quelques-uns de ses aînés) : il n'a pas tourné depuis Innocents, en 2003, mais mettra en chantier l'an prochain Io e te, d'après le dernier (et court) roman de Nicolò Ammaniti (notamment scénariste de L'été ou j'ai grandi, d'après son propre livre).
Voilà pour les honneurs officiels. Et le reste, la sélection ? On saura tout jeudi matin. Ou presque tout : depuis quelques années, le comité de sélection ne dédaigne pas prendre quelques jours de plus, se réserver le droit d'ajouter quelques titres - Entre les murs, Palme 2009, fut ainsi repêché in extremis... Les pronostics font rage, la tension monte chez les candidats potentiels, les rumeurs circulent et se contredisent. D'où viennent-elles ? Comment leur donner foi ? Thierry Frémaux a promis une sélection qui comprendrait à la fois grands noms et inconnus. Qui seront les uns, qui seront les autres ? Essayons une pré-liste en forme de pari, un pronostic géant - on comptera les erreurs après.
Ouverture (c'est confirmé)
Midnight in Paris, de Woody Allen (qui se choisit un cornet d'oreille sur la photo ci-dessus)
Compétition (ou hors-compétition), c'est plus que probable
The Tree of life, de Terrence Malick. Annoncé à Cannes 2010, enfin prêt.
Melancholia, de Lars Von Trier. Le cinéaste danois n'aime pas les voyages, mais il ne manquerait pour rien ou monde, tous les deux ou trois ans l'escapade en bus ou train qui l'amène groggy (les tranquilisants !) jusqu'à la Croisette. Après Antichrist, Charlotte Gainsbourg (rebelote) et Kirsten Dunst font la paire pour attendre la fin du monde.
Le Havre, d'Aki Kaurismäki (quand on dit Le Havre, je pense immédiatement à Un rude hiver, de Queneau - pas si loin de Kaurismaki, au fond...)
Le Gamin au vélo, des frères Dardenne (qui sort le 18 mai)
Habemus papam, de Nanni Moretti
Il était une fois en Anatolie, de Nuri Bilge Ceylan (qui monnaie très cher sur son site, son travail de photographe)
This must be the place, de Paolo Sorrentino (premier film américain du réalisateur de Il divo, avec Sean Penn)
Alps, de Giorgos Lanthimos (le réalisateur grec de Canine)
Elena, d'Andreï Zvyagintsev (le réalisateur russe du Bannissement)
Hanezu no tsuki, de Naomi Kawase (dans le rôle de la Japonaise interviewée sur l'état de son pays)
Love & bruises, de Lu ye (son premier film en France, ce que n'indique pas le titre)
We need to talk about Kevin, de la britannique Lynne Ramsay (Morvern Callar)
Captured, de Brillante Mendoza
La Piel que habito, de Pedro Almodovar (un voyage-éclair de Thierry Frémaux à la « casa » de Pedro aurait convaincu le cinéaste, réticent à dévoiler son film avant sa sortie mondiale à l'automne)
On arrive à quatorze titres, moins les français. Il y avait dix-neuf films en compétition l'an passé, mais il n'y aura pas plus de quatre - et probablement seulement trois - dans la sélection française. Là, c'est la bouteille à l'encre. Une rumeur donnait favoris, en fin de semaine dernière, l'improbable trio suivant (info ou intox ?) :
Polisse, de Maïwenn
L'Apollonide, de Bertrand Bonello
L'Empire, de Bruno Dumont
Reste le cas de La Conquête, de Xavier Durringer, sur l'ascension de Nicolas Sarkozy. Son distributeur, Gaumont, a prévu de le sortir en mai, sélectionné ou pas. Franchement, on voit mal le Festival se priver d'un film au retentissement médiatique
A Un Certain Regard, c'est, contre toute attente Restless, de Gus Van Sant, qui devrait faire l'ouverture - la compétition ne croule pourtant pas tant que ça sous les films américains. Et la section s'enorgueillira de la présence de John Lydon, alias Johnny Rotten, acteur (de passage), de Sons of Norway, du Norvégien Jens Lien. A la Quinzaine des Réalisateurs, dont les choix apparaissent pointus, sont déjà confirmés Jeanne Captive, du Français Philippe Ramos, Corpo Celeste, de l'Italienne Alice Rohrwacher et le documentaire canadien La nuit, elles dansent, d'Isabelle Lavigne et Stéphane Thibault, sur la danse orientale en Egypte. La Quinzaine annoncera sa sélection le 19 avril, le lendemain de celle la Semaine de la Critique. Une certitude : il y aura des films à Cannes.
source: Cinécure , Le blog d'Aurélien Ferenczi