12 - 04
2011
Pitch.
Un petit garçon, qui attend le retour de son père, vit avec son grand-père dévot dans une ferme isolée en Sibérie. Bientôt les vivres viennent à manquer quand son oncle, chargé du ravitaillement, ne donne plus signe de vie.
C'est un film féroce où l'homme est un loup pour l'homme au sens propre du terme, et il existe aussi des vrais loups qui dévorent les hommes dans ces contrées désertes et glacées de Sibérie, la toundra, les forêts type taïga, où survivent difficilement des oubliés de la civilisation, une population clairsemée et coupée du monde. C'est aussi un film magnifique avec images et mise en scène assez exceptionnelles. Un film qui suscite une empathie immédiate et une grande tristesse devant tant de cruauté.
photo Europacorp
La construction narrative, mine de rien, est habile. Deux trajectoires, qui n'ont apparemment rien à voir, vont se croiser sur la route du hameau Monanour où habitent le petit garçon, Lyochka, et son grand-père à la vie ascétique. Celle de Ioura, l'oncle de Lyochka, habitant dans un village lointain plus civilisé, père de famille de deux fillettes, époux d'une femme dure qui lui interdit d'aller nourrir son neveu et son grand-père, qui vient néanmoins régulièrement leur apporter des vivres en cachette. Celle d'un héros de guerre, un capitaine de l'armée, colosse trépané plusieurs fois, déglingué, brutal, ivrogne. Un jour que l'oncle revient de Monamour où il a été obligé de dormir, ivre mort la veille, il rencontre sur la route le capitaine, flanqué d'une jeune reccrue, son chauffeur, qui lui demande son chemin pour aller en ville afin de trouver une prostituée qu'il a mission de ramener à la caserne à son colonel. Les deux hommes boivent plus qu'il ne faudrait sur un talus. Tout le long du film, tout le monde boit pour tenir le coup, les femmes comme les hommes. Mais l'oncle ne reviendra jamais au village, il a été dévoré par les loups sur le chemin du retour. Il ne reviendra pas non plus à Monamour et Lyochka et son grand-père vont commencer à mourir de faim.
photo Europacorp
On voit que le réalisateur, né en Sibérie, aime son pays autant qu'il ne fait pas impasse sur les conditions de vie impitoyables des habitants et leur férocité entre eux. La manière dont il montre les enfants qui jouent "quand même" avec un vieux pneu sous la neige, sous des pluies glacées tombant en rideau, tandis que les adultes triment, réfugiés dans l'alcool, béquille indispensable, s'enfoncent dans une animalité prédatrice, est très forte. L'épouse de l'oncle, non seulement empêche son mari d'aller nourir son neveu en lui confisquant son sac de nourriture mais trompe son mari avec un ancien fiancé. Le capitaine ramasse une prostituée maltraitée, couverte d'hématomes, chez une mère maquerelle de la ville, jeune femme paumée dont il abuse ensuite dans la forêt. Mais l'intervention du petit soldat chauffeur qui perd les pédales devant le viol, va paradoxalement obliger la capitaine à faire preuve d'humanité vis à vis de la fille, devant le comportement ignoble du colonel et son subordonné, le capitaine, obsédé par la guerre et les combats, change de camp du moment qu'il est investi d'une mission...
Le film est parfois très dur à regarder, on est saisi de moments de découragement, Lyochka, le petit garçon, attend un père fantôme, élevé par un grand-père confit en dévotions, et n'a pour amis que Biquette, une chèvre, et Krok, son chien. Mais la faim aidant, les animaux domestiques de la ferme sont en danger... L'oncle disparu, Lyochka et son grand-père abandonnés, des rodeurs viennent voler le peu qu'il reste dans le hameau. On bascule dans l'ignominie de l'homme. Jusqu'à ce qu'une forme archaïque de charité, de compassion, émerge de ceux de qui on en attendait le moins, ce qui réconforte un peu le spectateur... Dans une interview, le réalisateur Slava Ross explique qu'il s'est inspiré pour son film d'une prière russe qui dit que "la charité est au dessus de la justice".
photo Europacorp
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Mots-clés : avant-Premières, cinéactuel, cinéma russe, Sibérie Monamour, Slava Ross