Entretien avec Jess Walter : “L’économie rappelle la mécanique des pornos”

Par Benard

Et si la crise était drôle ?Jess Walterprouve qu'il est en tout cas possible d'en parler avec humour, en publiantLa Vie Financière des poètes, roman-trip qui s'attache surtout à humaniser l'économie, en jetant des ponts inattendus entre vocabulaire financier, technique et abstrait, et éléments plus concrets ou poétiques. Rencontre avec cet amoureux des zones intermédiaires et de l'ambivalence, qui nous parle de pornographie financière, de culture de marijuana et deThe Wire.


Fluctuat : Le personnage de Matt tente de lancer un site qui mêle infos financières et poésie,  inventant ainsi le concept de “Poesiness”. D'où vous est venue cette idée ?

Jess Walter:Nous, écrivains, n'écrivons pas beaucoup sur l'aspect financier de nos vies, alors qu'il occupe une grande part de nos pensées. Si vous prenez les lettres et les journaux intimes de grands artistes, ils parlent beaucoup de leur condition financière, de leur manque d'argent. La crise économique que nous vivons actuellement a un effet générationnel, à la fois politique, culturel, sociologique. A mon sens il ne suffit pas d'en parler comme dans les journaux, avec des termes secs et scientifiques. Je voulais combiner ces deux aspects dansLa Vie financièredes poètes, de manière drôle : j'ai donc pensé à un site Internet consacré à l'économie, mais en écrit en poèmes. Une fois le livre publié, des gens m'ont écrit pour me dire qu'ils faisaient de la poésie financière. On ne peut rien inventer, la réalité dépasse la fiction !

Vous évoquez aussi l'aspect racoleur de l'économie telle qu'elle est présentée dans les médias, avec des titres de magazines tels que «Comment gagner de l'argent avec le Krach », ou les présentatrice télé sexy qui parlent des cours boursiers. C'est cela la « Pornographie de crise » dont vous parlez ?
Pour écrire le roman, j'ai beaucoup regardé les chaînes d'info spécialisées dans l'économie. C'est un cycle ininterrompu de hauts et de bas. Cette mécanique m'a rappelé celle des films pornos. Quand le marché est au plus haut, les commentateurs jubilent de manière obscène, je trouve. Les brokers se font de l'argent sur n'importe quel mouvement économique. Il y a quelque chose de dérangeant, en particulier aux Etats-Unis, à New York, où les businessmen, les investisseurs et les traders sont la classe dominante. C'est une classe qui existe depuis très peu longtemps. La disparité entre pauvres et riches est de plus en plus importante aux USA, il n'y a plus vraiment de classes moyennes entre les deux. Ce sera à mon avis l'un des enjeux de la prochaine élection présidentielle.

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