Le conseil national du Parti Socialiste vient officiellement d’entériner samedi 9 avril son programme pour l’élection présidentielle de 2012. Une ossature que le candidat désigné pourra certes aménager en fonction de sa propre sensibilité, mais qui donne d’ores et déjà l’orientation générale de la campagne. Comment ont réagi nos compatriotes à ce projet ? Deux sondages, de BVA et TNS Sofres, dressent un premier bilan positif, mais soulignent que le travail de pédagogie demeure entier. Le Parti Socialiste a indubitablement gagné la première bataille de la pertinence. Le combat de la crédibilité ne fait que commencer
Les socialistes nourrissent des attentes fortes
C’est le premier enseignement du sondage TNS Sofres : au-delà de l’équilibre entre les 30 % qui émettent un jugement positif et les 34% de nos compatriotes qui portent un jugement négatif à l’égard du programme , ce qui frappe est d’abord la proportion de Français attentistes : 31% déclarent ne pas avoir assez d’informations pour juger le programme. On peut particulièrement noter la posture des employés et ouvriers : respectivement 35% et 40 % d’entre eux estiment ne pas avoir « assez d’informations pour juger ».
Deux niveaux de lecture sont possibles. Ces chiffres mettent d’abord en évidence la faiblesse du plan médiatique – dans un contexte de mobilisation de journalistes autour des crises internationales - qui n’a pas permis de fournir une caisse de résonnance suffisante à ce programme. Mais au-delà, cette indécision traduit une posture attentiste qui n’est pas forcément négative pour le Parti Socialiste. Elle résonne davantage comme une attente bienveillante, de la part de sondés qui refusent de porter un jugement partisan a priori.
Lorsque 25% de l’électorat UMP estime disposer de trop peu d’informations pour juger le programme du PS, on peut considérer que la curiosité prend le dessus sur un principe binaire consistant à critiquer ce qui est en dehors de son camp. Lorsque 47% des électeurs sans étiquette partisane, habituellement sévères envers les politiques, réservent leur jugement, ils signifient leur envie d’alternative. Un bon point pour le débat. Probablement pas pour l’UMP.
Des propositions qui touchent leur cible
Les mesures proposées et testées par les deux instituts TNS Sofres et BVA suscitent l’adhésion d’une immense majorité de nos compatriotes. Dans les détails, les mesures économiques et sociales sont particulièrement plébiscitées. Le principe de création de 300 000 emplois jeunes est approuvé par 86% de nos compatriotes, de même que le rétablissement de l’âge légal de la retraite à 60 ans, approuvé par 70% d’entre eux .Les mesures en faveur du pouvoir d’achat et de la justice sociale son également approuvées. De même, le plafonnement des écarts de rémunération de 1 à 20 dans les entreprises qui ont une participation publique, ou l’ encadrement des loyers sont des mesures jugées très positivement par les Français.
Sur les propositions relatives aux valeurs, le PS reçoit un accueil plus mitigé. La mesure visant à autoriser l’adoption pour les couples homosexuels est particulièrement clivante. Approuvée par 53% de nos compatriotes, elle suscite l’opposition catégorique – « tout à fait opposé »- d’un quart des Français. Les électeurs de droite constituent le bataillon le plus hostile, avec seulement 33% d’entre eux favorables à cette mesure. De la même façon, le droit de vote pour les étrangers aux élections locales, est en retrait, approuvé par seulement 58% de nos compatriotes. Dans le détail, il est notable que les 18-25 ans s’avèrent étonnement parmi les plus rétifs à cette proposition.
Autre enjeu crucial pour l’élection à venir, la sécurité. Sur cette question déterminante, le PS propose de créer 10 000 postes de gendarmes et de policiers de proximité. Or, cette mesure suscite une très large adhésion (80%) . Parmi les plus grands supporters, on peut notamment noter les plus de 50 ans, catégorie la plus sensible à cette thématique, et que Nicolas Sarkozy avait su convaincre en 2007. Peut-être s’esquisse ici - si l’enjeu de proximité a été bien compris pas les sondés, au delà de la seule embauche de forces de l’ordre supplémentaires, un vrai discours alternatif fondé sur une réhabilitation d’un concept décrié par Nicolas Sarkozy.
Dans l’ensemble, les mesures proposées correspondent visiblement aux attentes des Français. Elles mobilisent les sympathisants PS qui déclarent à 78% vouloir voter pour le candidat qui porterait ce projet. Mais ces propositions sont-elles jugées crédibles ? Un enjeu de taille pour le Parti Socialiste souvent mis au défi, par la droite et même par les Français , de concilier audace et pragmatisme.
Des mesures qui ne sont pas jugées assez crédibles
Et les résultats sont clairement en demi-teinte. Pour chacune des mesures proposées, ce sont en moyenne un tiers des français – en excluant l’item sur le droit de vote des étrangers- qui approuvent le principe, mais ne jugent pas la proposition crédible.
Les mesures qui semblent le moins réalistes ? Celles qui ont attrait au secteur économique. 48% de nos compatriotes sont favorables à la création d’emplois jeunes, mais jugent dans le même temps que cette mesure n’est pas crédible. De la même façon, 36% jugent que le rétablissement de la retraite légale à 60 ans n’est pas faisable. En additionnant les oppositions de principes et les doutes quant à la crédibilité des mesures, on s’aperçoit que la quasi totalité des proposition ne recueille pas 50% des opinions.
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En construisant ce programme, le Parti Socialiste avait, au-delà des querelles internes, trois enjeux : D’abord, gagner la bataille de la proximité, c’est-à-dire être capable de porter des sujets en phase avec les préoccupations de nos compatriotes. Les mesures testées dans ces sondages publiés- et qui ont d’ailleurs très probablement fait l’objet de pré-tests confidentiels ces derniers mois -, soulignent l’adéquation entre des propositions du PS et les attentes concrètes de nos compatriotes. Le programme proposé donne « envie de voter pour le candidat qui le porterait », selon 58% de nos compatriotes. A cet égard, l’analyse du podium des mesures plébiscitées (dans le sondage BVA), met en évidence que les Français ne sont pas seulement sensibles aux mesures sonnantes et trébuchantes. Si le plafonnement des loyers, est le première mesure plébiscitée, la limitation des écarts de rémunération de 1 à 20 dans les entreprises ayant un capital public, ainsi que l’éco taxe qui ferme le podium, démontrent l’appétence de nos compatriotes pour une plus grande justice sociale.
La bataille de la crédibilité, est encore loin d’être gagnée. Dans un contexte de désillusion politique doublé d’une situation économique extrême, le Parti Socialiste a cherché à convaincre de son pragmatisme. Dès lors, ce manque de crédibilité perçu peut surprendre. La situation économique et la dette abyssale peuvent expliquer le scepticisme de nos compatriotes, dubitatifs faute peut-être d’explications suffisantes sur les financements. Mais au delà, ce déficit de crédibilité s’explique par l’absence d’incarnation pour porter le projet. La crédibilité est l’alliage entre des mesures et une détermination, un volontarisme porté par un candidat. Faute de visage à même d’inspirer confiance et qui engage sa responsabilité pour mettre sur pied les propositions, les français en sont réduits à douter.
Enfin, reste le plus dur : la bataille du leadership intellectuel Ici, le compte n’y est pas. Deux items relevés par l’institut BVA traduisent la difficulté du Parti Socialiste à proposer un programme à la hauteur du défi qui hante nos compatriotes, cette peur du déclassement que nul ne peut résorber depuis 30 ans. Pour seulement un Français sur deux, le programme est ambitieux. Pour 38% seulement, il est imaginatif. Comme le souligne BVA, la critique des emplois jeunes version 2012 , a sans doute joué dans ce manque de créativité ressenti. Mais, plus globalement, le réalisme semble avoir porté préjudice à la vision.
Cette absence de transgression peut-elle être préjudiciable au Parti Socialiste ? Oui, si le regain de populisme qui agite actuellement le paysage politique continue d’enfler. Pris en tenaille entre la rigueur de droite et les transgressions populistes, le Parti Socialiste risquerait alors de basculer symboliquement du côté des conservateurs. Un écueil que le casting doit permettre d’éviter.