Philippe de Champaigne (Bruxelles, 1602-Paris, 1674),
Marie-Madeleine, sans date.
Huile sur toile, 72,5 x 59 cm, Tokyo, National Museum of Western Art.
Henry du Mont a fait partie, en France, des oubliés de 2010 puisque la commémoration du 400e anniversaire de sa naissance a été plus ou moins complètement passée sous silence alors qu’en dépit de sa discrétion, si on le compare à certains de ses collègues prompts à s’arroger leur place au Soleil, il est sans doute un des plus importants compositeurs de musique sacrée actifs en France au XVIIe siècle. Ricercar nous offre aujourd’hui la suite d’un premier volume marqué du sceau de l’excellence (RIC 293, un extrait dans ce billet), avec Pour les dames religieuses où officient à nouveau les solistes du Chœur de Chambre de Namur sous la direction de Bruno Boterf.
Bien qu’il ne soit pas inconnu des amateurs de musique baroque, il ne me semble pas totalement inutile de dire quelques mots de du Mont. Né Henry de Thier en 1610 à Looz dans la Principauté de Liège, formé dans la tradition polyphonique du Nord à la basilique Notre-Dame de Maastricht, dont il est nommé organiste dès 1629, avant de se familiariser avec les nouveautés musicales en provenance d’Italie à la cathédrale Saint-Lambert de Liège, sa présence est attestée à Paris en 1640, où il est suppléant de la tribune de l’église Saint-Paul, dont il devient titulaire en 1643. Pour celui qui, devenu français en 1647, se nomme maintenant du Mont, l’année 1652 est déterminante, puisqu’il y publie ses Cantica sacra, premier recueil de petits motets imprimé en France, et y obtient son premier poste à la cour, en qualité de claveciniste du duc d’Anjou. En juillet 1663, il est nommé sous-maître de la Chapelle du roi pour le quartier d’octobre à décembre ; cette charge était normalement répartie entre quatre musiciens, mais, dès 1668, il la partage, à égalité de six mois, avec le seul Pierre Robert. Cette même année paraissent ses Motets à deux voix, qui seront suivis, en 1681, des Motets à 2, 3 et 4 parties (dont on trouve une très belle anthologie chez Alpha). En 1683, du Mont cesse ses fonctions officielles et il meurt à Paris le 8 mai 1684. Ses Grands motets (quatre ont été remarquablement enregistrés chez Alpha) seront publiés, malheureusement dans une édition particulièrement douteuse, en 1686.
Comme dans le volume précédent, le travail effectué par Bruno Boterf à la tête d’une petite équipe issue du Chœur de Chambre
de Namur (photographie ci-dessous), composée pour l’occasion de neuf chanteuses souvent accompagnées à l’orgue et plus ponctuellement par deux instruments à cordes (violon et viole de gambe),
est absolument remarquable. Il ne fait guère de doute, à mes yeux, que la vaste expérience, tant sur le répertoire baroque que renaissant, de ce directeur d’ensemble, dont le disque consacré aux Psaumes de David de Claude Le Jeune a été récemment salué ici-même par l’attribution d’un « Incontournable »,
fait de lui un homme particulièrement en mesure de sentir et de traduire les enjeux de la musique de du Mont. Au même titre qu’une réelle beauté plastique, avivée par une prise de son dont la
réverbération justement dosée magnifie les voix sans en brouiller les lignes, l’intelligence et la cohérence des choix interprétatifs s’imposent à chaque minute de cet enregistrement.
Chœur de Chambre de Namur – Les Solistes
Stéphanie de Failly, violon, Françoise Enock, basse de viole
Freddy Eichelberger, orgue Jean-Baptiste Le Picard (1742)
Bruno Boterf, direction
1 CD [durée totale : 65’45”] Ricercar RIC 305. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.
Extraits proposés :
1. Prélude à 3 (orgue)
2. Messe du Sixième ton : Gloria
3. Bernardus doctor, Hymne pour la fête de Saint Bernard
4. Messe du Sixième ton : Credo
Illustrations complémentaires :
Monogrammiste JD, Portrait présumé d’Henry Du Mont, après 1742. Aquarelle sur papier, 27,5 x 36,8 cm, Francfort, Bibliothèque de l’université, Collection Friedrich Manskopf.
La photographie du Chœur de Chambre de Namur est de Jacques Verrees.