Un peu de vague à l'âme
Je fais mon entrée dans le hall de la gare. Nous sommes nombreux. Tout le monde s'est levé en même temps et s'engage dans ce début de matinée. Tout le monde est ici et pas ailleurs. Je me dis que je pourrais compter les êtres autour de moi. J'essaye, mais ils courent trop vite, je ne les saisis pas.
J'effectue mon pélerinage habituel dans le quiosque à journaux, dans le quiosque à journaux et magazines. Les titres, les images sur les couvertures défilent sous mes yeux. Aucun de mes titres préférés n'a de nouveau numéro. Pas besoin de dépenser de l'argent. Je scrute les profils des autres consommateurs. Par des coups d'oeil furtifs, histoire de ne mettre personne dans l'embarras. Il y en a de tous les styles. Certains sont des vrais voyageurs, ils vont prendre le train tout à l'heure pour Paris ou Bruxelles. D'autres achètent leur paquet de cigarettes. Y en a-t-ils qui sont comme moi, de simples accros aux papiers à idées? Je n'en sais rien, est-ce que ça se voit sur le visage? Pourquoi aimons-nous de cette façon les pages, les phrases et les images? Qu'est-ce que ça nous apporte, si ce n'est la sensation de lire, d'apprendre à réfléchir et de mourir moins idiot? Je quitte le magasin, je m'avance en direction du parvis de la gare. Je me fais doubler par des nuées de passants, mon pas est calme et paisible. Personne ne se soucie de moi, comme je ne me soucie de personne en particulier.
Dehors, l'air est doux, les couleurs sont bien tranchées, les regards sont absents, perplexes parfois. C'est le ballet des jours ouvrables, des bus, des voitures et des gens pressés.
Je constate que le temps file, et il faut que je file avec lui. Je m'en vais occuper mon poste à l'arrêt de bus. J'aime les transports publics. Je me laisse conduire dans un flux apaisant, vers une destination connue, suivant une trajectoire balisée. Je n'ai pas de décision à prendre. La tête est libre.