Transcendant la banalité existentielle qu’on attirbue aux légumes, Marie-Christine Clément nous convie à une poétique de haute volée, leur prêtant des traits humains, une valeur symbolique, sexuée, psychologique et même psychanalytique. Réhabilités, le prédiluvien navet, les légumes verts, objets d’une injuste aversion, aristocratique, l’asperge altière, « promesse printanière », ambiguë, la salade, coincée toujours entre deux mets, entre deux chaises, …. Pomme de discorde quand elle ne se fait pas projectile, La tomate est prétexte à un discours chromatique convaincant : elle rallie ascétisme et sensualité en un même plaisir gourmand, …éminemment féminin. La ratatouille est le théâtre d’une commedia dell’arte dont les vedettes, Colombine, l’ingénue courgette, Fracasse, le poivron et Ubu, l’androgyne aubergine aux allures de pacha, se produisent en une scène méridionale aux accents de Pagnol. Résigné à son rôle d’éternel second, l’oignon, stripteaseur averti est le héros d’un épluchage dithyrambique, véritable passage d’anthologie.
« On aime à enlever ses tuniques, parfois même avec un certain sadisme, une certaine violence. Le couteau déchire ses pelures dans un bruit crissant. On tire, une autre vient puis une autre encore. Le supplice est digne de Tantale mais le bougre ménage ses surprises ; il a de quoi se défendre ! »
Vous l’aurez compris : ce petit ouvrage est un caviar d’écriture. A déguster sans modération.
Apolline Elter
La citrouille est une lune naufragée. Sur l’imaginaire des légumes, Marie-Christine Clément, Albin Michel, mars 2008, 118 pp, 12 €.
Rendez-vous demain pour un portrait de l'asperge altière, bien de saison.