C’est une photo qui a eu l’oscar de l’année en Suède et qui représente une fillette assassinée à Haïti (nota je mets le lien donc cliquez en connaissance de cause).
Nous serions donc censés être choqués par la deuxième photo où quelques 6 ou 7 photographes sont devant le cadavre.
Qu’est ce qui choque ?
- qu’une personne prenne en photo un cadavre d’enfant sans verser une larme ?
- que plusieurs personnes s’agglutinent pour tous prendre la même photo, façon paparazzo ?
- qu’on prenne en photo, tout simplement ?
Pingoo avait écrit il y a quelques temps un billet sur l’esthétisation de la photo d’actu. Je n’étais pas complètement d’accord avec lui mais ce que je note, chaque jour, c’est que la photo tend à prendre trop de place par rapport à l’écrit. Dans les commentaires que je lis chaque jour, beaucoup de gens n’ont lu que le titre et vu la photo. Or nous sommes bien moins formés à l’analyse d’une photo que d’un texte ; nos réactions, face à une photo sont donc beaucoup plus sensibles et moins raisonnées qu’elles ne le seraient face à un texte. En revanche, je ne suis pas choquée du fait qu’on prenne en photo et qu’on tente de montrer une réalité aussi cruelle soit-elle. Je ne suis pas choquée non plus par le fait que plusieurs photographes choisissent la même scène ; chacun sait que cette photo marquera plus que les autres. Oui, et aussi par son esthétisme. Et aussi parce que la fillette est vêtue de rose. Et aussi parce que c’est une enfant et pas un homme.
Je suis en revanche gênée, je le répète, par la place que prend cette photo dans un journal, un conflit, une discussion. En 1985, on filmait jusqu’à sa mort, l’agonie d’Omayra Sanchez. Se posait à l’époque la limite entre l’information et le voyeurisme. Lorsque Dom m’a rappelée cette histoire, j’avais en tête cette enfant mais pas les évènements ayant entraîné sa mort. Les photos avaient donc, au fond, pour moins, mal joué leur rôle ; elles m’avaient tellement saisie, que j’avais tout oublié de l’histoire.
J’ai en tête le livre de Didi-Huberman Images malgré tout qui étudie 4 photos prises à Auschwitz. Peut-on photographier l’horreur ? peut-on la montrer ? Je cite mon lien : « E. Pagnoux écrit que « regarder la photo et y croire [¤] c’est distordre la réalité d’Auschwitz qui fut un événement sans témoins« . Je cite mon deuxième lien « Du Rhin jusqu’à l’Oder, je n’ai pas pris de photos. Les camps de concentration étaient envahis de photographes, et chaque nouvelle photo de l’horreur ne faisait que diminuer la force du message« .
Est-ce que la photographie d’actualité peut, par sa définition même, contribuer à rendre plus tolérable des situations d’horreur ? Est-ce qu’elle banalise et à ce titre amoindrit une situation ? Quand on visualise des monceaux de corps dans les camps ou de crânes ou Rwanda, peut-on, via ce biais, comprendre quoi que ce soit à la situation ou est-on juste sidéré ?