L’autre jour quelqu’un a cru bon m’alerter : « Tu as vu, ils passent plein de vieux John Wayne sur la TNT ! ». Je fus donc évidemment intrigué qu’une chaîne de la TNT puisse diffuser des westerns des années 30 en noir et blanc, mais après tout, pourquoi pas ? Naturellement, ces vieux « John Wayne » n’étaient pas les pêchés de jeunesse de l’immense star, mais bien des « John Wayne vieux », les westerns des années 70 qu’il tournait encore alors qu’il était devenu un vieillard. Il faudra que je m’y résolve : les films des années 70 sont devenus des vieux films pour tout un chacun. Mais l’essentiel n’est pas là ! Il y a du « John Wayne vieux » à la télé, c’est le moment de s’en remettre quelques uns. Mais juste trois alors, parce les « John Wayne vieux », ça use.
Commençons donc par Chisum (1971, Andrew McLaglen). Insupportable monument de paternalisme chevillé dans la bonne conscience des gros propriétaires bienveillants, Chisum est en outre chiant au point qu’on se retrouve vite malgré soit à zapper sur Le Pacte des loups ou American Beauty qui passent chez la concurrence. Wayne, tel un gros pouf sur son cheval, regarde l’horizon et médite sur le temps qui passe. Ben Johnson, le regarde de loin l’air compréhensif parce que c’est son pote de l’ancien temps où que le progrès et la corruption y venaient pas faire chier. La loi ça sert à rien quand c’est un méga propriétaire terrien comme le Duke qui est aux manettes : il est sympa avec ses employés, sympa avec ses voisins, juste et droit, le patron rêvé, l’utopie made in MEDEF. Peu importe que le vrai Chisum était bien moins fair play, le Duke en chef d’empire équitable, McLaglen nous l’avait déjà servi en plus drôle dans Le grand McLintock et c’était déjà pas terrible. On se console en voyant passer des seconds rôles connus et des légendes de l’ouest : Billy The Kid, Pat Garret, tout ça. Allez, on oublie.
On enchaîne avec Les voleurs de train (1973, Burt Kennedy). Après une intro sympatoche pompée sur Il était une fois dans l’Ouest, le film part bien, même si Ben Johnson et John Wayne semblent continuer le film précédent et en remettre une couche sur la nostalgie qui n’est plus ce qu’elle était et les histoires du temps passé. Burt Kennedy radote aussi puisqu’il il nous remet une belle fille qui se voit obligée de faire bouillir ses vêtements pour qu’ils soient plus moulants, comme Raquel Welch dans Hannie Caulder, et qu’il nous remet aussi un étrange homme en noir presque fantomatique comme dans le même Hannie Caulder. La suite devient franchement ennuyante malgré de très belles images. Des bivouacs, des chevauchées, des discussions à deux balles sur l’opportunité d’être honnête ou sur la vieillesse qui affaiblit l’homme, puis encore des bivouacs entrecalés de temps en temps de bonnes doses d’action bien menées. Curieusement, le film visuellement, fait penser à Mon nom est Personne, pourtant sorti la même année, mêmes tonalités de couleurs, et surtout, ces chevauchées furieuses de plusieurs dizaines de tueurs pressés avec le même type de montage alterné (mais sur une musique beaucoup moins belle) et une destinée tout aussi explosive qui rappellent bien sûr celles de la Horde Sauvage. Belle coïncidence, mais qui ne suffit pas à relever un film creux dont le twist final ne fait même pas hausser les sourcils. Mais quelle importance, le Duke reste le Duke, les paysages sont magnifiques, le film n’est pas désagréable.
Avec Les Cowboys (1972, Mark Rydell), on monte d’un tout petit cran, parce que la violence est beaucoup plus malsaine, le ton plus amer et la morale moins sauve. Je vous crache le spoiler : le Duke se fait descendre, en quasi-martyre, salement amoché, la scène est très forte, marquante, dérangeante. Dans son livre sur le western, Christian Viviani écrit : « […] The Cowboys, que John Wayne avait conçu comme une sorte de testament, semble bien être un mauvais tour que Rydell a joué à son interprète. En fait, cette histoire qui voyait des enfants aider Wayne à convoyer son bétail et qui, le long du périple, sous le coup de l’« apprentissage » de leur aîné, devenaient des tueurs sanguinaires, ne laisse apparaître que maintenant son ironie et sa verdeur. » Mouaiff, l’ironie et la verdeur n’apparaissent pas tant que ça, le film reste un parcours initiatique assez banal, et la vengeance finale, bien que cruelle, ne semble pas vouloir montrer que les gamins sont devenus sanguinaires, mais bien que la catharsis ayant opéré, ils sont maintenant devenus des hommes. Mais on peut tout de même laisser au film le bénéfice du doute, et de ces trois « John Wayne vieux » diffusés récemment par la TNT (me demandez pas la chaîne, elles sont toutes interchangeables dans mon esprit), c’est quand même bien celui-là le plus intéressant. Allez, j’ai plus qu’à me retaper Rio Lobo et Cent dollars pour un Shérif, et je vous en reparle, et peut-être même qu’un jour je regarderai The shootist, qui paraît-il est très émouvant. Et vive le Duke, même si au final, entre les « John Wayne jeune et maigre » et les « John Wayne vieux et gros », c’est quand même les « John Wayne mûr et massif » qu’il vaut mieux regarder.
Images: USMC, lasbugas et jamesbond sur Western Movies.