parErik Neveu
Dans un ouvrage collectif sur l’investissement de la subjectivité des journalistes dans leur travail, Cyril Lemieux et ses coauteurs développent une approche particulièrement cohérente de leur métier, et des satisfactions et contraintes qu’éprouvent ceux qui les exercent. Erik Neveu s’interroge sur le maintien de frontières au sein de la sociologie française contemporaine.
Recensé : Cyril Lemieux, dir.,La subjectivité journalistique. Onze leçons sur le rôle de l’individualité dans la production de l’information, Editions de l’EHESS, 2010, 315 p.
Une des difficultés à rendre compte de trop d’ouvrages collectifs est d’y trouver au delà d’un titre une cohérence autre que celle que Wright Mills associait ironiquement au travail des typographes et maquettistes. L’ouvrage dirigé par Cyril Lemieux épargne cette difficulté. Il rassemble onze contributions, nées du dialogue d’un séminaire de recherche. Elles se positionnent par rapport à un même cahier des charges. Il s’agit de penser l’activité journalistique en étant simultanément attentif aux contraintes et interdépendances dans lequel elle se déploie et à la manière dont des individus, socialement contraints, parviennent à déployer innovations et inventivité, à trouver dans le monde professionnel des espaces d’expression, d’autonomie, d’épanouissement. Un autre facteur fort de cohérence tient en la ponctuation d’une « leçon » qui vient s’adjoindre à chaque contribution. On peut supposer que ces leçons ont été rédigées par Cyril Lemieux avec l’aval des auteurs ; elles viennent à chaque fois expliciter une modalité, un ressort de cette « subjectivité », en étant attentives à ne jamais faire de celle-ci un attribut ou une liberté qui s’exerce malgré le social, mais tout au contraire appuyé sur celui-ci.
Esquisse d’une théorie des pratiques journalistiques
S’il traite du journalisme, le recueil ne saurait y être limité. Il prend le prisme d’un univers professionnel pour se confronter à des questions qui ont jusqu’ici plutôt été posées à partir de grands producteurs culturels (Mozart pour Elias, Manet pour Bourdieu) ou de personnes sans titres de noblesse sociale pour des travaux de sociologie de la réception : comment des agents sociaux pétris de déterminations sociales, pris dans des interdépendances contraignantes peuvent-ils/elles cependant exprimer quelque chose qu’on puisse associer à des notions comme individualité et autonomie, invention et créativité ?
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