J'attendais beaucoup de cette entrevue car entre-nous, les ennuis financiers, j'en ai soupé. Après quelques considérations météorologiques en guise de hors d'œuvre, j'ai sorti mes documents de ma serviette, et nous sommes passés au plat de résistance. Au bout de quelques minutes passées à éplucher mes comptes, il m'a regardé par-dessus son verre (il est très chic et porte le monocle), et m'a dit qu'en trente ans de carrière, il n'avait jamais vu de situation aussi bouillante.
Trente ans ! me suis-je exclamé malgré moi. Il est bien un peu poivre et sel, mais je ne l'imaginais pas si vieux. Tant mieux, un conseiller qui a de la bouteille, c'est toujours bon à prendre, il ne doit pas être du genre à se prendre les pieds dans la nappe au premier pépin. C'est très sérieux, a t-il poursuivi, avec toutes vos casseroles, je ne serais pas étonné que ça finisse par tourner au vinaigre. Vous avez bien fait de venir me voir, votre gestion a vraiment besoin d'un coup de fouet. Bien sûr; si vous aviez des espérances... Hein ? Qu'est-ce qui est rance ? demandai-je surpris.
Non, des espérances corrigea t-il. Un héritage si vous préférez. Jouons cartes sur table poursuivi t-il : vous n'êtes pas né avec une petite cuillère en or dans la bouche, et à moins de décrocher la timbale, il ne va pas être facile de passer l'éponge sur vos dettes. Vous pourriez aussi cuisiner votre banquier pour qu'il soit moins regardant... et allez-y piano sur les dépenses.
Pour mon banquier, faut pas y compter, il est complètement toqué. Mais pour le reste, vous êtes un chef, je vais suivre votre recette !
(1) Image CC bensutherland